Origine et histoire de La cité antique
Mariana est une ancienne colonie romaine fondée par Marius au début du Ier siècle av. J.-C., située sur le territoire de la commune actuelle de Lucciana (Haute-Corse) et restée le siège du diocèse de Mariana jusqu'à son transfert à Bastia en 1570. Dès le IVe siècle elle possédait un baptistère et une basilique paléochrétienne; cette basilique épiscopale, détruite par les Vandales et les Lombards, a été reconstruite à l'époque romane. Des historiens tels que Xavier Poli et Gregori ont débattu de son origine, l'un la considérant comme colonie civile fondée par Marius et l'autre distinguant Mariana d'Aléria, qu'il juge colonie militaire. Il est toutefois possible que Mariana n'ait pas bénéficié d'un statut sénatorial régulier et qu'elle ait été une colonie « irrégulière » liée à l'action de Marius. Les habitants, appelés Mariani, occupaient un territoire correspondant aux anciennes régions de Marana et de Moriani et auraient repoussé les populations indigènes vers les hauteurs; à l'ouest se trouvaient les Licnini et au sud les Opini. Mariana et Aléria servaient de stations à la flotte de Misène, placées sous l'autorité d'un triérarque, et, avec le temps, les colonies sont devenues des centres d'expérimentation agricole pour les peuplades voisines. Ptolémée situe Mariana sur les bords de la mer, mais le site se trouve aujourd'hui à environ 3 km à l'intérieur des terres, sur la commune de Lucciana, à près d'un kilomètre de l'aéroport international de Bastia-Poretta, et son emplacement est indiqué près du Golo sur les cartes topographiques. Il est admis qu'au IIe siècle de notre ère Mariana et Aléria étaient encore des ports, la côte orientale s'étendant alors entre plusieurs embouchures et promontoires mentionnés par les géographes anciens. Les fouilles menées de 1958 à 1967 par Geneviève Moracchini-Mazel ont mis au jour, au sud de l'actuelle cathédrale, le complexe paléochrétien comprenant église et baptistère ainsi que l'église funéraire de San Parteo, et constituent la seule partie visible de l'habitat antique. Aux IIe et IIIe siècles la ville, qui s'étendait sur une trentaine d'hectares, était protégée par un rempart et organisée selon un plan orthonormé centré sur un cardo nord-sud et un decumanus est-ouest; un quartier excentré se développe autour d'une voie à portiques orientée est-ouest, où se concentraient des activités marchandes abritées. Les nécropoles étaient situées hors de l'enceinte. Au milieu du VIe siècle, un complexe chrétien mêlant basilique, baptistère, boutiques et habitations s'implante le long de la voie à portiques; la basilique épiscopale, après destructions, a connu une reconstruction romane. Le site a été classé Monument historique : le mur d'enceinte par arrêté du 22 septembre 1969, et la cité par arrêté du 27 juin 1991. Des recherches ont repris à la fin des années 1990 sous la direction de Philippe Pergola puis cessé en 2007; des fouilles en 2006 à Mezzana, à trois kilomètres, ont révélé une petite nécropole rurale du IIIe siècle liée à un établissement agricole voisin. Les études actuelles, liées au projet de création d'un musée de site labellisé Musée de France, associent archéologie du bâti et prospections non invasives, notamment par magnétomètre. La commune a noué des liens avec la Principauté de Monaco, en raison du culte partagé de sainte Dévote, dans l'espoir d'un mécénat pour le musée de site. En 2017 une équipe de l'Inrap a mis au jour à Lucciana le premier mithraeum identifié en Corse. Une voie romaine empierrée reliait Mariana à Palla (identifiée par la plupart des géographes à Bonifacio) en longeant la côte orientale; l'itinéraire d'Antonin la décrit, mais elle n'apparaît pas sur les tables de Peutinger, ce qui suggère une construction postérieure au règne d'Auguste. Le site a été le siège d'un des premiers diocèses corses, sans doute fondé au IVe siècle, lié au Saint-Siège, puis placé sous l'influence de Pise en 1092 et de Gênes en 1130. La christianisation de l'île s'est accélérée sous l'effet des évêques d'Afrique du Nord exilés en Corse pendant la domination vandale (429-530). Des traditions rapportent l'envoi de missionnaires dès 46 par saint Pierre et l'escale de l'apôtre Paul en 59 dans plusieurs lieux dont Mariana, avec nomination d'évêques locaux; la liste exacte des évêques antérieurs au VIe siècle reste cependant incertaine, malgré des mentions comme celle de Catonus au concile d'Arles en 314 citée par Ughelli.
