Origine et histoire
Le lycée climatique René-Billères d'Argelès-Gazost, situé près du parc thermal, est une cité scolaire des Hautes-Pyrénées accueillant des élèves de la sixième à la terminale. Construit en 1955, il reflète les théories hygiénistes de l'époque et dispose ses bâtiments fonctionnalistes sur un terrain de 9 ha. Le chantier a débuté en mai 1952 sur huit hectares de terrains agricoles et l'établissement, appelé alors « lycée de Plein-Air », fut inauguré en 1955 bien qu'encore inachevé. Sa création repose sur la volonté du maire Marcel Lemettre et sur le soutien du député René Billères, qui défendirent l'idée d'un établissement « climatique » avec internat ouvert toute l'année et accessible à tous les élèves désireux d'aller jusqu'au baccalauréat. Le lycée devint une cité scolaire en 2005 et porte, depuis son cinquantième anniversaire, le nom de René Billères ; il est situé avenue Marcel-Lemettre. L'architecte André Rémondet, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, conçoit un ensemble traduisant les courants modernistes de son époque, ouvert aux idées du Bauhaus et de Le Corbusier. Sa maquette fut présentée dans le pavillon de la France à l'Exposition internationale de Bruxelles en 1958, signalant le caractère emblématique du projet. Le plan privilégie l'intégration au paysage : le lycée s'ouvre sur un cirque glaciaire à 360° et emploie des volumes plutôt que des masses, la régularité plutôt que la symétrie, ainsi que des matériaux contemporains et régionaux, comme la pierre de Batsurguère pour le soubassement et l'ardoise pour certains sols extérieurs et marches. Les bâtiments, dispersés et spécialisés par fonction — enseignement, administration, internats — sont conçus pour être homogènes en volume et pour répondre aux contraintes locales, notamment sismiques et climatiques, par des contreforts extérieurs, des toitures peu plates et des installations techniques accessibles. Chaque unité s'organise autour d'un jeu de piliers offrant des espaces intérieurs modulables. À l'entrée se trouvent les bâtiments administratifs et les logements de fonction ; plus loin, les internats, colorés différemment selon les sections (vert pour les garçons, bleu et rouge pour les filles), sont orientés est‑ouest pour profiter des levers et couchers de soleil. Les façades présentent des fenêtres nombreuses, moins larges que hautes, témoignant d'un souci d'éclairage naturel et de protection contre les rigueurs de l'hiver. L'externat, peint en jaune, est largement ouvert au sud pour assurer une luminosité maximale ; un jeu d'ouvertures intérieures devait favoriser la ventilation et l'éclairage naturels, dispositifs aujourd'hui atténués par des normes de sécurité et des rénovations successives. L'architecte a conçu jusqu'aux moindres détails des salles de classe, des poignées aux prises électriques, et a fait appel à la designer Charlotte Perriand pour des cloisons-placards en lamelles de bois ; le mobilier du foyer des grandes filles comprenait des pièces contemporaines, dont des éléments de Florence Knoll et de Perriand, dont seule la partie basse subsiste. Inspiré par les campus américains, Rémondet imagina l'établissement au cœur d'un parc pensé comme un arboretum mêlant essences locales et exotiques ; un cours d'eau traverse cet ensemble végétalisé, en écho au parc thermal. Des bancs-tables de béton devant les façades, des cercles de pierres pour des classes de plein air, un amphithéâtre extérieur et un portique complètent l'organisation paysagère et pédagogique du site. Le gymnase, situé à proximité des salles de cours, intègre dès l'origine des équipements favorisant la pratique de nombreux sports et avait même prévu un fronton pour la pelote basque. Depuis 1951, la réglementation impose l'intégration d'œuvres contemporaines dans les constructions publiques, exigence mise en œuvre ici par l'installation d'une dizaine d'œuvres, en grande partie réalisées entre 1954 et 1960 par des artistes proches de l'architecte et issus pour beaucoup de la Nouvelle École de Paris. Gustave Singier exécuta à l'entrée deux mosaïques en pâte de verre, « Soleil couchant » et « Reflets », auxquelles répond, sur le mur du préau, un « Horizon de montagne » aujourd'hui fortement abîmé ; Singier achève ce triptyque en 1960. Alma Slocombe, épouse de l'architecte, habilla le porche de l'externat d'un décor de céramiques de 36 m² aux couleurs vives évoquant la lumière et l'eau ; une œuvre plus réduite de même facture subsiste dans l'ancien internat des collégiennes. Louis Leygue installa une fontaine cinétique équipée d'un mobile en cuivre rouge animé par la force hydraulique ; cette pièce fragile a disparu et il ne reste du dispositif que le socle et des photographies. Étienne Hajdu réalisa en creux les piliers de béton de la façade sud du gymnase : seize panneaux (1 × 1 m et 1 × 2 m, 1960) aux motifs abstraits évoquant le sport et la nature, offerts par l'artiste au pays qui l'accueillit après les événements en Hongrie. Denis Gelin signa, dès 1954, une statue en bronze intitulée « La bachelière », placée face aux dortoirs et foyers des filles ; œuvre d'affirmation féminine, elle s'inscrit dans la trajectoire mixte de l'établissement. Alfred Manessier peignit pour le foyer des grandes filles l'œuvre non figurative « Jeux dans la neige », huile sur toile marouflée de grand format exécutée en 1954 et installée avec l'aide de Jean Le Moal ; une étude préparatoire se trouve au Musée Guggenheim de New York. Robert Abbadie réalisa pour les bureaux administratifs la toile « Les Pyrénées », polychrome et semi-abstraite, qui ornait le bureau du proviseur. Classé au titre des monuments historiques par arrêté du 14 août 2008, le lycée climatique René-Billères illustre l'architecture fonctionnaliste du XXe siècle et témoigne, par son parc et ses œuvres, de la volonté d'ouvrir l'art contemporain à des territoires jusque-là peu concernés.