Origine et histoire
L'actuel collège Stéphane-Mallarmé de Sens occupe l'emplacement de l'ancien couvent des Célestins. Jean de Maisières et sa femme Isabelle Bilouard envisagèrent la fondation d'une chapelle en 1336 et firent construire, avec l'accord de l'archevêque de Sens, une chapelle dédiée à la Très Sainte Trinité et à la Vierge, achevée en 1345 près de leur demeure dans la rue de la Parcheminerie, actuelle rue Thénard. Ils y installèrent quatre prêtres-chapelains chargés de célébrer la messe pour une confrérie de la Sainte-Vierge, leur dotèrent chacun de 60 livres de rente et leur donnèrent leur maison ; ces dispositions furent confirmées par le pape Urbain V en 1365. De nombreux dons complétèrent les ressources de la chapelle : Jean de Dicy et son épouse offrirent en 1342 une maison rue de la Parcheminerie, Isabeau La Pelletière donna en 1348 une rente liée à des maisons voisines « où sont les escoles de Sens », et d'autres donations permirent l'acquisition de terres, granges et exemptions de taxes. Jean Chacerat fit en 1392 don du lieu appelé « Cimetière aux Juifs » et demanda à être inhumé dans l'église des Célestins à côté de sa femme ; le terrain servit plus tard de basse-cour après son acquisition par le roi Charles VI en 1414. Le pape Clément VI, ancien archevêque de Sens, accorda une indulgence aux visiteurs de la nouvelle chapelle. En 1346 le chanoine Jean Clément ajouta quatre clercs-escoliers et les dota de 30 livres et d'une maison, et Jean de Maisières obtint du roi des lettres d'amortissement pour les donations successives. Jean de Maisières mourut le 4 novembre 1357 ; sa femme, légataire universelle, fit entrer cinq moines Célestins en 1358, prit le voile et mourut en 1370, et les fondateurs furent inhumés dans la chapelle. Les Célestins transformèrent leur établissement en collège et prieuré en 1366 pour pallier des revenus insuffisants, puis entreprirent de nombreuses reconstructions : la chapelle fut relevée et consacrée en 1415, une infirmerie fut édifiée en 1417 et le cloître fut réalisé en 1420. Les bâtiments monastiques entouraient un cloître rectangulaire ; à l'est se trouvait la partie ferme avec, notamment, un moulin à vent destiné à moudre les grains des propriétés des moines. À la fin du XVe siècle les Célestins firent reconstruire l'église et le cloître, élevèrent la sacristie et passèrent contrat de maçonnerie en 1477 ; les stalles furent commandées en 1481 et les vitraux réalisés par Jean Hympe, puis les autels furent consacrés en 1512 par l'évêque Jean de Médina. Un incendie détruisit le monastère Notre-Dame en 1521 ; la reconstruction suivit, les autels de l'église furent à nouveau consacrés en 1542 et le reste du monastère fut reconstruit à la fin du XVIe siècle. En 1637 les religieux décidèrent de remplacer des maisons par deux corps de logis ; les travaux, confiés au maître maçon Pierre Lhuissié, furent retardés par la présence de soldats et l'une des parties en construction s'effondra le 11 octobre 1644, laissant seulement la partie située sous l'église achevée — ce qui correspond aujourd'hui aux nos 55-57-59 de la rue Thénard. Un nouveau feu détruisit plusieurs constructions dans la nuit du 10 janvier 1655 ; les religieux obtinrent ensuite l'autorisation royale de bâtir un nouveau dortoir sur les murailles de la ville en 1669, puis firent exécuter l'ouvrage par le maître Louis Richard avec le concours financier de l'évêque de Noyon, et ce bâtiment domine encore le boulevard du Mail. Les réparations se poursuivirent au XVIIe et au début du XVIIIe siècle avec la reconstruction de deux corps de logis à l'ouest et à l'est du cloître, puis la chapelle fut refaite : l'archevêque Jean-Joseph Languet de Gergy posa la première pierre en 1735 et la consacra à la Vierge en 1739. Face aux réformes proposées par la commission des réguliers en 1764, le chapitre général des Célestins refusa en 1770 et préféra la sécularisation si pensions et biens immobiliers leur étaient accordés ; un inventaire de leurs biens réalisé à partir du 28 mai 1771 révéla des meubles, des revenus et des dettes importantes qui entraînèrent la vente de leurs biens pour rembourser les créanciers. La majeure partie des revenus des Célestins fut affectée à la création d'un grand séminaire confié aux Pères Lazaristes, qui s'installèrent en 1783, et le bâtiment ouest du cloître fut rehaussé en 1787 avec des matériaux issus de la démolition de la grosse tour. Pendant la Terreur, le couvent servit de maison d'arrêt. Parallèlement, le collège de Sens avait été fondé en 1537 par l'acte de donation de Philippe Hodoard et établi rue de la Parcheminerie, face à l'église des Célestins ; il disposait de revenus modestes et d'un personnel composé d'un principal et de trois régents. Le collège se transforma grâce à de nouvelles libéralités et à la fondation de bourses, il fut repris par les Jésuites en 1623, qui y restèrent jusqu'à leur expulsion en 1762 ; après leur départ la gestion fut confiée à des régents de l'Université de Paris. Sous la Révolution, donations et bâtiments du collège furent confisqués comme biens nationaux et les régents dispersés. L'État attribua ensuite à la ville de Sens les bâtiments de l'ancien couvent des Célestins ; l'abbé Roger fut nommé directeur de l'École secondaire qui ouvrit en octobre 1802, et un arrêté des Consuls en 1803 attribua officiellement les bâtiments à l'École secondaire, devenue collège de Sens en 1809. Le 11 février 1814, des troupes wurtembergeoises pénétrèrent dans Sens par la poterne du collège et tuèrent un régent et un élève. En 1833 une école primaire supérieure fut adjointe à l'établissement. Le 4 avril 1854, à la demande d'anciens élèves et de responsables locaux, Napoléon III transforma le collège en lycée impérial départemental et des travaux d'embellissement, dont la construction de deux ailes, furent réalisés. Numa Mallarmé, nommé conservateur des hypothèques à Sens, s'y installa en 1853 ; son fils Stéphane Mallarmé entra comme pensionnaire au lycée impérial en 1856, y demeura jusqu'en 1860 et obtint son baccalauréat lors d'une session de rattrapage en novembre ; Gustave Flaubert s'y documenta pour L'Éducation sentimentale. Durant la Première Guerre mondiale, les bâtiments furent occupés par l'hôpital temporaire n°32 et redevinrent lycée en 1916 après des travaux ; les cours purent reprendre le 1er octobre 1916 (ce fut le lycée de Robert Brasillach [réf. nécessaire]). Au début de la Seconde Guerre mondiale un hôpital fut de nouveau installé dans les locaux ; il fut évacué le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrèrent à Sens le 15 juin et les cours reprirent en octobre. Le lycée prit le nom de Stéphane-Mallarmé le 8 juillet 1960, et la réforme de 1966 transforma les anciens bâtiments du lycée en collège d'enseignement secondaire Stéphane-Mallarmé, qui fit l'objet de travaux jusque dans les années 1980. La chapelle et les éléments anciens des bâtiments — notamment les façades et toitures de la galerie nord du cloître adossée à la chapelle — ont été inscrits au titre des monuments historiques le 1er mars 1966.