Origine et histoire de la Maison Rue des Gobelins
L’hôtel Mascrany — aussi appelé Mascrani, Mascarini des Gobelins, grande maison des Gobelins ou maison d’en haut — est un ensemble de bâtiments du XVIIe siècle situé dans le quartier Croulebarbe du 13e arrondissement, au 3 bis de la rue des Gobelins. Conçu à l’origine pour des appartements bourgeois, des ateliers et des logements d’ouvriers, il est aujourd’hui divisé en appartements en copropriété. La propriété appartenait initialement à la famille des teinturiers Gobelin, qui a donné son nom à la manufacture et au quartier. La rampe de l’escalier a été inscrite au titre des monuments historiques le 19 octobre 1928.
L’ensemble du 3 bis faisait partie d’un îlot s’étendant d’une portion de la rue Mouffetard (devenue l’avenue des Gobelins après les travaux d’Haussmann) jusqu’au bord de la Bièvre (aujourd’hui rue Berbier‑du‑Mets), le long de l’ancienne rue de Bièvre, actuelle rue des Gobelins. La famille Gobelin y est installée depuis Jehan Gobelin, venu en août 1443 pour exploiter un procédé de teinture. Le 5 août 1523, Jean III et François Gobelin se partagent la propriété : Jean conserve la partie basse, correspondante au château de la Reine Blanche et ses dépendances, tandis que François reçoit la maison d’en haut, correspondant à l’actuel 3 bis et aux bâtiments voisins jusqu’à l’emplacement de la future rue Gustave‑Geoffroy. Un acte du 14 juin 1580 décrit le lieu comme « une grande maison — la maison d’en haut — cours, granges, ateliers, ouvroirs à teintures, quai et autres appartenances ». La maison d’en haut s’étendait jusqu’à l’emplacement de la rue Gustave‑Geoffroy, percée en 1906 à travers les anciennes propriétés des Gobelins.
Les maisons des Gobelins ayant adopté la religion protestante furent menacées de pillage le 26 septembre 1621 par une foule catholique, après l’incendie du temple de Charenton ; le bureau de la ville autorisa alors les marchands à constituer une compagnie d’hommes armés pour défendre leurs marchandises. La maison d’en haut quitte le patrimoine familial en 1646. En 1670, les banquiers Louis et Paul‑André Mascrani, fils d’Alexandre Mascrani, seigneur de Thunes, achètent l’hôtel avec ses dépendances ; ils le louent en 1684 au teinturier hollandais Jean Glucq, qui l’acquiert en 1686. En 1721, Jean Jullienne réunit les établissements de ses oncles Jean Glucq et François Jullienne et habite la maison jusqu’à sa mort en 1766 ; sous son impulsion, la manufacture de teinture et de draperie voit ses privilèges renouvelés et gagne en réputation. À partir du 24 mai 1764, le neveu et successeur choisi, Jean‑Baptiste‑François de Montullé, qui n’habite pas le lieu, entraîne un déclin poursuivi par sa veuve Élisabeth Haudry, et l’établissement périclite au tout début du XIXe siècle. La propriété est progressivement morcelée au cours du XIXe siècle, puis le percement de la rue Gustave‑Geoffroy en 1906 entraîne la démolition de bâtiments faisant partie de l’ensemble et la construction d’immeubles récents sur des parcelles jusque‑là laissées en friche.
La maison historique, aujourd’hui divisée en logements privés comme le reste de l’ensemble, se situe dans la première cour et est ceinturée par un immeuble de briques du début du XXe siècle dont la porte est équipée d’un digicode ; elle est donc invisible depuis la rue des Gobelins. On accède à une deuxième cour par un porche ; cette cour abritait autrefois des ateliers et des logements d’ouvriers et était plus étendue vers la rue Gustave‑Geoffroy avant les démolitions. Dans cette deuxième cour subsistent une galerie surmontée d’un étage et une galerie appuyée sur huit colonnes doriques, attribuée aux années 1730, l’étage au‑dessus étant d’une construction postérieure ; une église évangélique occupe le fond du jardin attenant. Les bâtiments reposent sur des carrières voûtées et des arcs bloqués au mortier.
Les documents de successions indiquent que les constructions, dont l’origine remonterait au XVe siècle, n’ont pas été complètement détruites ni reconstruites mais ont fait l’objet de réaménagements successifs. Le corps principal, à droite en entrant dans la cour, a abrité l’importante collection de Jean de Jullienne ; son architecture résulte en grande partie d’une restauration menée entre 1686 et 1733 et conserve à l’intérieur des éléments plus anciens, notamment des poutres et des arcs ogivaux. Le bâtiment a été utilisé à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle comme ateliers, tandis que d’autres constructions périphériques, consacrées aux ateliers et aux logements d’ouvriers, ont disparu.