Origine et histoire de la Maison à pans de bois, Rue de l'Abreuvoir
La maison à pans de bois, aussi appelée maison à colombages — terme surtout employé pour les constructions à étages — ou maison en corondages, est une construction à ossature de bois dont les murs sont remplis par un hourdage. L'ossature se compose de pans de bois qui délimitent des compartiments appelés carreaux et se distingue en armature principale (poteaux, sablières) et armature secondaire (pièces formant des motifs en chevrons, en grille, en losanges, etc.). Le hourdage, maçonnerie légère ou matériau allégé comme la brique, le torchis, la pierre, le plâtre ou parfois le bois, remplit les vides et joue un rôle de raidisseur. Cette technique, connue dès le Néolithique et employée dans l'Antiquité romaine sous le nom d'opus craticium, se développe surtout dans les régions riches en bois et, hors Scandinavie et Russie où domine le bois massif empilé, associe généralement bois et terres compactées ou pisé. En Europe, le pan de bois est un mode de construction courant du Haut Moyen Âge jusqu'au XIXe siècle et demande un savoir-faire transmis de génération en génération, mobilisant charpentiers et architectes pour le choix des essences, des matériaux de hourdage et des solutions constructives. Afin de protéger la construction et de se conformer aux règlements, les façades ont été plâtrées entre le XVIIe et le XIXe siècle, ce qui a aussi confiéré un aspect plus luxueux; l'architecture de pierre s'imposant en ville dès le début du XVIIIe siècle n'empêche pas la persistance de nombreuses maisons à colombages. Le processus de sauvegarde et de valorisation patrimoniale s'engage progressivement au XXe siècle, d'abord de façon inégale selon les régions, par des désignations institutionnelles et par l'appropriation collective.
Les murs reposent généralement sur un solin en maçonnerie protégeant le bois de l'humidité ; parfois le rez-de-chaussée est entièrement maçonné en pierre. Le remplissage peut être constitué de briques crues recouvertes d'enduit, d'un appareillage de pierre ou de moellons, ou encore de torchis composé d'argile, de paille et de chaux appliqué sur un clayonnage ou un lattis ; des termes régionaux désignent des variantes comme le paillebart ou la massecanat.
Deux techniques de montage du bois se distinguent : la technique des bois longs, principalement utilisée au début du Moyen Âge, où les poteaux s'étendent d'un seul trait du sol jusqu'aux étages, et la technique des bois courts, qui la remplace aux XVe–XVIe siècles en divisant la hauteur en niveaux assemblés et en facilitant ainsi la construction en milieu urbain. Les bois longs ont été progressivement abandonnés à cause du pourrissement quand les fondations étaient insuffisantes, de la raréfaction du matériau et des difficultés d'acheminement en ville, mais ils réapparaissent localement plus tard quand les encorbellements diminuent. Les bois courts favorisent le développement de l'encorbellement, technique permettant de porter des étages en saillie sur le rez-de-chaussée et de gagner ainsi de la surface tout en limitant la surface imposée au sol.
L'encorbellement, répandu à partir de la fin du Moyen Âge et développé à la Renaissance, existe sous différentes formes (sur sommiers, sur solives ou reposant sur un organe spécifique comme corniche ou corbeau) et permet plusieurs niveaux en saillie. Il favorise la distribution sociale verticale des fonctions — boutique ou atelier au rez-de-chaussée, logis du maître à l'étage, chambres des ouvriers au-dessus — et présente des avantages pratiques, comme la protection contre les pluies. Ses excès ont toutefois obstrué et assombri les rues, aggravé les risques sanitaires et de propagation du feu, ce qui a conduit à des interdictions locales et répétées et à une diffusion progressive d'autres modèles architecturaux. Malgré ces contraintes, au début du XIXe siècle les façades sur rue tendent à être refaites en pierre tandis que les étages supérieurs et les murs sur cour restent souvent en pan de bois.
Pour protéger les parties exposées aux intempéries, on pratique l'essentage ou bardage, qui recouvre les poutres et pignons par des bardeaux de bois ou de l'ardoise. La restauration des maisons à pans de bois impose fréquemment la numérotation des éléments avant démontage pour permettre leur remontage à l'identique après remise en atelier.
Sur le plan historique et géographique, le pan de bois se rencontre de manière diffuse en Europe et au-delà : il a participé à la formation des paysages urbains et ruraux de régions aussi diverses que l'Allemagne, la France, l'Angleterre, l'Italie du Nord, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Suède, la Suisse, le Danemark, ainsi que dans des territoires colonisés ou peuplés par des immigrants européens comme le Brésil, les États-Unis et l'Australie. Les formes locales varient fortement selon les traditions, les essences de bois disponibles et les influences techniques, allant de motifs ornementaux riches jusqu'à des structures très triangulées destinées à répartir les charges et à dégager des ouvertures larges. Ces diversités régionales se retrouvent aussi dans de nombreux exemples remarquables conservés en France, en Allemagne, en Alsace, en Normandie, en Bretagne, au Pays basque et ailleurs, qui témoignent de l'adaptabilité et de la longévité de cette technique constructive.