Origine et histoire
La Maison coloniale de santé, située au 3-7 rue Levassor à Saint-Pierre, est considérée comme le premier établissement psychiatrique des Antilles. Sa création est attribuée au docteur Devèze et, selon les sources, date de 1837 ou de 1838 ; l'administrateur Lemaire est également associé à sa fondation. Installée le long de la rivière Roxelane et dirigée par les sœurs de Saint-Paul de Chartres, elle ouvrit son premier bâtiment à la fin de 1838 et reçut ses premiers patients l'année suivante. L'établissement fonctionnait à la manière des hospices français de l'époque et prenait en charge, outre les habitants des colonies, des pensionnaires envoyés par leurs familles. La capacité d'accueil varia au fil du temps : l'acquisition d'une maison attenante en 1843 porta la capacité à 80 lits, et à la fin du XIXe siècle elle atteignait environ 200 lits. Tenue par les religieuses, la Maison employait médecins, infirmiers, un aumônier et du personnel d'administration et d'entretien ; l'annuaire de la Martinique de 1902 mentionne notamment les docteurs Saint-Maurice et Artières, le père Risbourg, quatre dames hospitalières (sœurs Marie-Emile, Andrée, Flavie et Béatrix) et le gérant M. Dancenis. Le confort des malades comprenait matelas, traversin et couvertures ; les frais d'hospitalisation étaient alors à la charge des maîtres, le tarif journalier fixé à 2 francs rendant l'accès rare pour les esclaves. Après l'abolition de l'esclavage, l'Assistance publique permit la prise en charge des personnes émancipées. Durant ses quinze premières années, l'asile reçut près de quatre cents patients, dont la durée moyenne de séjour était inférieure à celle des hôpitaux psychiatriques de métropole ; parmi les pensionnaires figura également Adèle Hugo. Lors d'une visite en 1854, l'asile fut noté comme n'étant plus une prison : les malades violents étaient logés dans un quartier d'isolement composé de petites cellules éclairées par une lucarne et aménagées avec lambris et plancher, chacune dotée d'un canal d'évacuation vers la rivière en contrebas. En 1860, un arrêté autorisa l'établissement d'une chapelle et d'un oratoire ; en 1887 on y dénombrait 145 aliénés, 62 hommes et 83 femmes. En 1900 la Maison occupait les numéros 3, 5 et 7 de la rue Levassor et l'annuaire de la Martinique soulignait sa situation agréable, sa salubrité et son aménagement comparable à celui des meilleurs établissements de France. La nuée ardente provenant de la Montagne Pelée le 8 mai 1902 détruisit totalement la Maison coloniale de santé et la ville de Saint-Pierre ; parmi les victimes se trouvaient les quelque 200 pensionnaires, quatorze infirmiers, cinq religieuses, deux médecins, l'aumônier et le gérant. Dégagées en partie par des fouilles commencées en 1971, les ruines montrent encore des secteurs identifiables : la cour des sœurs avec la salle d'hydrothérapie, la cour des aliénés, la cour de la morgue et le quartier d'isolement ; la découverte de vaisselle marquée, de lits et d'énormes chaises de force en fer atteste des pratiques et du mobilier de l'établissement. À son époque, malgré l'existence d'appareils de contention, la Maison coloniale de santé était reconnue comme un établissement modèle, dont les méthodes se rapprochaient de celles des meilleurs asiles métropolitains. Les ruines ont été classées au titre des monuments historiques par arrêté du 12 décembre 1996.
L'établissement employait des méthodes alors jugées innovantes : l'hydrothérapie, consistant notamment en bains d'eau fraîche provenant des sources de la Montagne Pelée, douchages au jet et isolement en cellule, figurait au premier rang des soins. On utilisait aussi des douches graduées et des fauteuils métalliques scellés dans le sol — les « chaises de force » — pour maîtriser les malades les plus agités. Dès 1856, un jardin fut aménagé à proximité de l'asile et le travail y fut mis en œuvre comme forme d'ergothérapie, observée pour calmer les patients et améliorer leur appétit et leur sommeil ; les soignants envisagèrent même l'adjonction d'une petite sucrerie associée à l'hôpital. L'ensemble des installations — salles de bains séparées, tonnelles et hangars pour la promenade, équipements d'hydrothérapie — visait à rapprocher le traitement des malades des pratiques reconnues en métropole.