Origine et histoire
La Maison de la Reine-Bérangère, située au Mans en plein cœur de la cité Plantagenêt, est un ensemble de trois maisons à pans de bois dont le bâtiment principal, daté du XVe siècle, est remarquablement conservé. Son nom renvoie à Bérengère de Navarre, épouse de Richard Cœur de Lion, douairière du Mans et fondatrice de l'abbaye de l'Épau, qui a vécu au palais des comtes du Maine, aujourd'hui hôtel de ville. L'ensemble occupe l'ancienne Grande Rue, aujourd'hui rue de la reine Bérengère, et la tradition populaire veut que la reine soit morte dans l'une de ces maisons. La demeure, déjà bourgeoise au XIIIe siècle selon les sources, a été entièrement reconstruite à la fin du XVe siècle par les riches marchands Véron. Au numéro 9, la « maison de l'Annonciation » se distingue par une façade ornée de statuettes de la Vierge et de l'archange Gabriel, dans un style influencé par l'Italie avec vases, arabesques et motifs végétaux. La maison du drapier, au numéro 7, possède une sablière sculptée représentant un bélier et divers personnages. L'ensemble a été classé au titre des monuments historiques, les deux maisons formant le musée l'ayant été le 4 juin 1881.
La maison a également été la propriété de la famille Bellanger; Jehan Bellanger y résidait dès 1403, et certains auteurs ont suggéré que le nom « Bérangère » pourrait résulter d'une déformation de Bellanger, la maison datant du XVe siècle alors que la reine a vécu plus tôt. Au XIXe siècle, un regain d'intérêt pour le Moyen Âge fit redécouvrir la demeure, notamment grâce à une lithographie d'Alexandre Boyot reproduite dans l'ouvrage Moyen Âge pittoresque, mais les antiquaires et collectionneurs causèrent de nombreuses mutilations : en 1836, huit statuettes extérieures furent arrachées et revendues comme pieds de table, et deux cheminées du début du XVe siècle partirent pour le musée de Cluny en 1852. Après un incendie qui endommagea l'arrière de la maison et une tourelle en bois, la demeure passa par plusieurs propriétaires avant d'être achetée en octobre 1891 par Adolphe Singher, qui entreprit une restauration ambitieuse pour restituer l'aspect des XVe et XVIe siècles. Singher racheta et fit revenir des statues dispersées, fit réaliser un moulage de cheminée détenue par le musée de Cluny et publia en 1898 un catalogue de ses collections ; ses travaux et ses ouvertures au public préparèrent la conversion progressive des lieux en musée.
Les bâtiments abritèrent finalement une première salle d'exposition ouverte par la ville en 1924, puis le musée de la Reine-Bérangère ouvrit officiellement le 14 juillet 1925, en grande partie grâce au don de madame Liger. Les premières collections comprenaient un grand banc seigneurial à dais, des coffres remplis de statues médiévales, une Vierge en pierre du XIVe siècle, une tenture de la période de Louis XII longue de 4,40 mètres représentant une scène de banquet et une chambre nuptiale, ainsi qu'un retable espagnol du XVe siècle et un manuscrit de chants grégoriens. L'aménagement reconstituait oratoire, chambre seigneuriale et espaces domestiques avec des cheminées, un lit à colonnes et une poutre bourguignonne, le tout complété par des objets de petite taille conservés au dernier étage.
Le musée rassemblait des collections variées : peintures régionales, mobilier sarthois et objets d'artisanat local. Parmi les peintures figuraient plusieurs toiles de Théodore Boulard illustrant la vie paysanne, une huile d'Émile-Valentin Berthelemy intitulée Après le café (1893), des œuvres de Julien Chappée et un Vieil ouvrier manceau de Charles Eugène Morancé daté de 1930 ; une salle était consacrée aux coiffes sarthoises. Le musée mettait aussi en valeur des céramiques issues des fouilles de la Sarthe et de la Mayenne, notamment les pièces du potier Pierre-Innocent Guimonneau de La Forterie et les pichets signés de Louis-Léopold Thuiland.
Le mobilier rassemblé visait à évoquer la vie rurale du XIXe siècle et le « style du Maine » : buffets deux corps, armoires, maies en chêne, bassets (petites armoires d'environ 1,20 m), ainsi que des éléments de boissellerie et de tonnellerie, témoins de l'importance des forêts locales comme Bercé, Perseigne et Vibraye. L'exposition par étages présentait, au rez-de-chaussée ou premier étage, une salle des étains et des céramiques ; au deuxième étage, photographies et peintures du Mans ainsi qu'une salle consacrée au monde du travail ; au troisième étage, une collection d'épis de faîtage en terre cuite de Ligron, éléments de charpente devenus décoratifs et symboles de prestige. Robert Doisneau, explorant les musées de province vers 1970, fit connaître par la photographie les pichets de Thuilant, publiés en 1973 dans Connaissance des Arts.
Le musée de la Reine-Bérangère était reconnu comme musée de France au Mans (Sarthe) ; il a fermé en janvier 2022 et ses collections ont été transférées au musée de Tessé et au musée Jean-Claude Boulard — Carré Plantagenêt.