Origine et histoire de la Maison du Peuple
La Maison du Peuple de Clichy, construite entre 1935 et 1939 à l'initiative du conseil municipal et du maire Charles Auffray, a été réalisée par une équipe comprenant les architectes Eugène Beaudouin et Marcel Lods, l'ingénieur Vladimir Bodiansky et les ateliers de Jean Prouvé, la charpente métallique étant assurée par les établissements Schwartz‑Hautmont. Le projet répondait à un programme municipal complexe comprenant un marché couvert, des locaux syndicaux, des bureaux, une salle de conférence d'environ 1 500 places et une salle de cinéma pour 500 spectateurs. Conçue comme un bâtiment entièrement métallique, elle associe métal et verre et inaugure en France l'emploi d'un mur-rideau en panneaux préfabriqués en tôle d'acier, ainsi que d'autres procédés industriels mis au point par l'équipe de projet. Parmi ses dispositifs originaux figurent une structure en profilés d'acier montés industriellement sans recours au béton ni au mortier, des cloisons coulissantes, un plancher amovible, un comble roulant et un toit ouvrant à verrières mobiles destinés à maximiser la lumière naturelle et la ventilation. Après deux années d'études, le chantier a commencé en janvier 1937 ; un abri anti‑aérien en béton armé d'une capacité de 200 à 250 personnes a été construit en sous-sol en 1937. Le marché de Lorraine au rez‑de‑chaussée a été ouvert en novembre 1939, puis la grande salle de l'étage a été inaugurée en mai 1940, malgré des finitions encore inachevées. La Maison du Peuple a rapidement été reconnue pour son caractère novateur et sa qualité technique ; elle a été classée au titre des monuments historiques le 30 décembre 1983. L'édifice, de plan parallélépipédique et d'architecture moderne, s'intègre au tissu urbain dense de Clichy sans provoquer d'ombrage excessif sur ses voisins ; son étage est desservi par des escaliers et un monte‑charge disposés aux angles pour conserver la simplicité du volume. La modularité intérieure, rendue possible par le plancher mobile, les panneaux coulissants et la toiture mobile, permettait de transformer le marché en salle des fêtes ou en espace de spectacle et d'adapter l'espace central selon différents usages en quelques dizaines de minutes. À partir des années 1970 et 1980, le bâtiment s'est fortement dégradé : en 1979 un coulage de dalle en béton a rendu inutilisable le plancher amovible et des panneaux du rez‑de‑chaussée ont été remplacés par de la brique, ce qui a modifié l'usage et contribué au désintérêt du public. Un chantier de restauration a été engagé à partir de 1995 sous la responsabilité de l'architecte en chef des monuments historiques Hervé Baptiste, avec des travaux extérieurs menés de 1995 à 1998, la restauration des façades du rez‑de‑chaussée en 2002‑2003 et des opérations préparatoires en 2005, notamment du désamiantage. Malgré ces interventions, des problèmes d'étanchéité et des dégâts des eaux ont été signalés de nouveau depuis novembre 2020, affectant les étages supérieurs et le mécanisme de stockage du plancher mobile, sans suite favorable immédiate de la DRAC pour des mesures d'office. Aujourd'hui, seules les activités commerciales du marché subsistent, trois fois par semaine ; les usages sociaux et culturels d'autrefois ont cessé, en raison notamment de l'inadaptation aux normes de sécurité incendie, de l'absence d'isolation acoustique et de dégradations matérielles. Au fil des décennies, de nombreuses propositions de reconversion ont été étudiées, allant d'une galerie commerçante et d'un centre de congrès à une médiathèque ou à la réhabilitation d'une salle polyvalente ; plusieurs scénarios ont été limités par les contraintes liées au classement et aux coûts de mise en conformité. Dans le cadre de l'appel à projets "Inventons la Métropole" de 2016, un groupement lauréat a proposé en 2017 une tour en arrière‑plan du bâtiment, projet qui a suscité une large mobilisation d'associations, d'architectes et d'ayants droit et a donné lieu à des réserves et demandes d'études complémentaires de la part des autorités de tutelle. En 2019 le ministre de la Culture a opposé un veto au projet de tour tel que présenté, estimant qu'il dénaturerait le monument classé, et l'inspection des patrimoines a été saisie pour analyse. Le 29 juin 2021, le conseil municipal de Clichy a voté le déclassement anticipé du domaine public et la cession de la Maison du Peuple à une société commune à créer entre le groupe Alain Ducasse et la société Apsys, pour un prix estimé à 2,1 millions d'euros, la cession restant soumise aux procédures réglementaires et à l'accord des ayants droit des créateurs. Le ministère de la Culture a indiqué qu'il soutenait une restauration et un contrôle scientifique et technique des travaux ; le projet présenté par les acquéreurs prévoit des activités liées à la restauration, des manufactures et des bureaux, la restauration de certains mécanismes mobiles et une restauration dont le coût a été estimé à plus de 10 millions d'euros hors aménagements intérieurs, avec un calendrier prévoyant le démarrage des travaux au printemps 2022 et une livraison au second semestre 2023. La Maison du Peuple demeure une référence dans l'histoire de l'architecture moderne pour son usage précoce de la préfabrication métallique, ses dispositifs mécaniques transformables et son rôle social, et son avenir continue d'être l'objet d'un important débat patrimonial et urbain.
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