Origine et histoire
La Maison du Peuple se situe au 12 rue de la Poyat à Saint-Claude (Jura), une voie nommée Poyat — « montée » — en 1874 et qui relie le centre-ville aux quartiers de la ville basse. La demeure d’origine, dite maison Dumoulin, est attestée au XVIIIe siècle et fut agrandie par l’adjonction de deux ailes entre 1855 et 1874. Guérin Dumoulin y aurait vraisemblablement vécu ; la maison passa ensuite à sa descendance et, en 1894, Paul Dumoulin la vend à la coopérative d’alimentation la Fraternelle, créée en 1881. Issue d’un cercle ouvrier fondé vers 1877–1878 et dont les statuts furent adoptés le 7 février 1880, la coopérative aménagea dans le bâtiment un café, une épicerie, une boulangerie et des logements, puis développa des succursales en ville et dans les communes avoisinantes. Sur des plans datés de 1902 par Charles Meunier, la Maison du Peuple est édifiée dans les jardins entre 1908 et 1910 par l’entrepreneur Blanc sous la direction de l’architecte Paul Mouret. Dans les années autour de 1920, le complexe s’enrichit d’une imprimerie installée par la surélévation d’un bûcher en 1919, d’un gymnase et d’autres aménagements ; la maison Dumoulin elle‑même est surélevée en 1928. Durant les années 1920, l’ensemble abrite une grande diversité d’activités : épicerie, boulangerie, restaurant, bureaux, salles de réunion et logements dans la maison Dumoulin ; dans la Maison du Peuple se trouvent théâtre, café, imprimerie, bibliothèque, charcuterie, crémerie, atelier de torréfaction, chambres froides, entrepôts et celliers, écurie, remises et atelier de réparation automobile, ainsi que des équipements de service comme un monte-charge et une voie Decauville desservant les étages. Le bâtiment accueille également le gymnase, des sièges syndicaux, la Bourse du travail et le journal le Jura Socialiste. La Fraternelle connaît une forte expansion commerciale : 150 sociétaires en 1886, 719 en 1914, 4 173 en 1925, puis 135 personnes en 1980, et elle dispose de nombreuses succursales et points de vente. En 1896, Henri Ponard fonde l’« École de Saint‑Claude » en instaurant des statuts coopératifs selon lesquels les bénéfices alimentent un fonds de réserve destiné à une caisse sociale (secours mutuel, caisse chirurgicale, assurances, retraites) et au financement d’autres coopératives ; ce système est abandonné en 1965. La société devient Les Coopérateurs du Jura en 1965 et fusionne avec l’Union des Coopérateurs en 1984 ; la même année, les bâtiments sont vendus à l’association culturelle la Fraternelle. Deux salles de cinéma sont aménagées en 1984 et 1985, l’imprimerie est réhabilitée en 1991 et un escalier extérieur est construit en 1992. L’existence d’un fonds d’archives privées est signalée. L’ensemble des façades et des toitures, la cabine du projectionniste, le passage voûté et l’escalier du bâtiment sur rue, l’escalier des étages de soubassement, l’ancienne bibliothèque et sa salle de lecture, le théâtre, ainsi que le café et son décor ont été inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 22 novembre 1993.