Maison forte des Farguettes à Crespinet dans le Tarn

Patrimoine classé Demeure seigneuriale Maison forte

Maison forte des Farguettes à Crespinet

  • Le village
  • 81350 Crespinet
Propriété privée

Période

XIVe siècle

Patrimoine classé

La maison forte en totalité (cad. AH 96 à 98) : inscription par arrêté du 19 juillet 2006

Origine et histoire de la Maison forte des Farguettes

La maison forte des Farguettes, située à Crespinet (Tarn, Occitanie), est représentative d'une architecture intermédiaire entre la maison et le château, de type maison forte à cour fermée ; elle est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 19 juillet 2006. Implantée dans un méandre du Tarn qui contourne une barre rocheuse, elle a été bâtie sur les pentes de la vallée plutôt qu'au sommet du plateau, choix vraisemblablement lié à l'existence de très anciennes galeries souterraines qui pouvaient servir de refuge en cas de siège. Mentionnée dès le XIVe siècle, avec une attestation en 1396 liée à Raymond Gasc, la maison forte fut désignée dans les archives comme « château » et connue sous la dénomination de Farguettes. La famille Gasc, dont la présence dans la vallée est ancienne, y exerça la seigneurie et apparaît dans divers actes, notamment des registres de lausimes datés de 1434 à 1436 établis dans le fort de Fargas ; elle prit part aux conflits de la région contre les Anglais et aux luttes ecclésiastiques locales. Au XVIe siècle la seigneurie passa successivement à la famille de Castelnau puis à celle de Valéry ; un épisode carnavalesque survenu en 1557, au cours duquel une ânesse fut portée dans la chambre haute et simulacres de confession y furent accomplis, a été interprété par certains historiens comme un signe avant-coureur de la Réforme dans le secteur. Par héritage la maison forte revint ensuite à la famille de Rotolp, qui adopta les idées protestantes ; Abel de Rotolp, seigneur des Farguettes, fut un notable de la cause réformée et reçut des marques d'estime de la cour, comme l'attestent ses correspondances et fonctions. Les dénombrements successifs présentés par les seigneurs (notamment en 1610 et en 1672) fournissent la plus ancienne description connue de l'ensemble : château et maison seigneuriale enfermés de tours et fossés, basse-cour, salles, chambres, cuisine, cave, tinal, écurie, galeries, prison, greniers et esplanade devant l'entrée. Au cours du XVIIe siècle la famille Rotolp délaissa progressivement la demeure pour Castres et ses environs, si bien que la maison forte fut occupée dans la seconde moitié du siècle par des fermiers qui en assuraient l'entretien. La révocation de l'Édit de Nantes en 1685 accentua cet abandon ; un héritier protestant dut s'exiler en Hollande, tandis que d'autres membres de la famille restèrent en France. En 1751 le domaine fut vendu : acquis par Mme de David puis cédé aussitôt lors d'une vente aux enchères au vicaire François Cammas, il était alors décrit comme une « vieille bâtisse prête à s'engloutir » et nécessitait d'importants travaux que l'acheteur entreprit. François Cammas chercha à compenser la perte des droits seigneuriaux attachés à l'ensemble en acquérant divers droits et consulats dans la vallée, démarche dont on conserve des traces administratives. Les événements révolutionnaires marquèrent profondément l'histoire du lieu : le prêtre Cammas se montra hostile aux idées révolutionnaires et mourut peu après l'exécution du roi ; son neveu lui succéda et le château servit notamment d'abri pour un prêtre évadé, l'abbé Gabriel de Lapanouse, recherché en 1798. L'arrestation de l'abbé donna lieu à des recherches qui mentionnent explicitement l'existence de « souterrains très considérables » sous le château, connus des autorités locales ; l'abbé fut finalement capturé puis déporté, mourant au bagne de Cayenne. La maison resta dans la famille Cammas jusqu'en 1877, passa ensuite à la famille de Lapanouse qui la conserva jusqu'en 1907, après quoi elle fut fragmentée entre divers propriétaires et réduite à un état de ferme délabrée. Dans la première moitié du XXe siècle l'écrivain occitan Andrieu Jacques Boussac la mentionna dans son roman La Fabrica, témoignant de son état d'abandon à cette époque. Des travaux de restauration récents ont été entrepris pour tenter de lui rendre son aspect d'origine ; l'intervention a été soutenue par la Fondation du Patrimoine et a précédé son inscription au titre des monuments historiques en 2006. L'architecture conserve l'essentiel de ses dispositions d'origine : portail surmonté d'une bretèche, portail sculpté de style Renaissance donnant accès à la tour d'escalier en vis, fenêtres à meneaux, archères, meurtrières et cheminées gothiques. L'ensemble, austère mais noble, comprend trois tours rondes et un donjon carré arasé, les bâtiments s'organisant autour d'une petite cour rectangulaire accessible par un porche aux voussoirs à crossettes et à clé ornée d'un blason tenu par deux anges, blason endommagé lors de la Révolution. Une galerie et une loggia protègent deux côtés de la cour et permettent de circuler à l'abri ; le rez-de-chaussée abrite les pièces de service tandis que l'étage est destiné à l'habitation. Le réseau de souterrains, répertorié par Francis Funk, présente des caractéristiques jugées singulières par des auteurs locaux et entretient un rapport mystérieux avec le château ; leur fonction primitive demeure indéterminée et l'hypothèse d'anciennes mines de fer paraît peu convaincante en l'absence de traces de minerai. Les terrains entourant la maison forte ont par ailleurs été classés afin de préserver un ensemble jugé remarquablement authentique par la commission des Monuments Historiques.

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