Origine et histoire
La Casa Julià (maison Julia) est une demeure patricienne médiévale de Perpignan, située dans la rue Fabriqués den Nabot, et représentative de l’architecture civile gothique catalane. L’édifice, attribué à la seconde moitié du XIVe siècle, s’organise en plan en L autour d’une cour intérieure de plan carré, encadrée par des galeries à arcatures et colonnettes. La cour, restaurée en 1882 et 1913, est séparée de la rue par un passage couvert ; elle conserve un puits et des éléments sculptés sur bases et chapiteaux. Sur trois côtés, des arcs en pierre en segment de cercle, portés par des piliers à chapiteaux sculptés de feuillages, soutiennent les galeries du premier étage ; ces galeries présentent des murettes de brique surmontées de fines colonnettes groupées en faisceaux, des chapiteaux à deux rangs de feuillage et des tailloirs ornés de rosaces. Au-dessus, des gargouilles évacuent les eaux de la galerie supérieure. Certaines colonnes de la cour sont des copies datées de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle. L’entrée s’ouvre par un portail en plein cintre réalisé en marbre rose de Villefranche-de-Conflent et en marbre gris-bleu de Baixas, typiques du gothique catalan, et débouche sur un passage à plafond de bois qui dessert la cour. Lors de rénovations, le sol en ciment a été retiré et des fragments de carreaux en terre cuite, sans doute issus du pavement d’origine, ont été retrouvés. La maison comprend deux corps de bâtiment, une tour carrée et trois niveaux : rez-de-chaussée, premier étage avec la grande salle ouverte sur la galerie, et second étage se terminant par la tour. Les plafonds peints de la grande salle, soutenus par des corbeaux, et le décor sculpté de la cour ont été datés après analyse à partir des éléments 1319 ou 1364. D’importants aménagements réalisés aux XVe et XVIe siècles ont permis l’extension vers le nord avec au moins deux corps supplémentaires, mais peu des aménagements intérieurs de cette période subsistent dans le bâti actuel. Au milieu du XVIIIe siècle, le grand degré médiéval a été remplacé par un escalier indépendant situé à l’arrière de la cour, côté façade ouest ; il se compose de trois volées droites interrompues par des paliers et comporte une rampe en fer forgé ornée de volutes en S et en C, d’assemblages variés et d’un motif central symétrique marqué par une tige ronde surmontée d’un bourgeon feuillu. À l’intérieur, les aménagements et décors portent principalement sur des faux-plafonds, les murs et les cheminées ; la grande salle médiévale a été divisée en trois pièces. La maison devient immeuble locatif dès 1839, transformation qui entraîne, dans la seconde moitié du XIXe siècle, des réaménagements de distribution et la probable fermeture de la galerie orientale du premier étage. Classée au titre des Monuments historiques en 1889, la Casa Julià fait l’objet de grands travaux de restauration à partir de 1914, dirigés par l’architecte L. Sallez à l’initiative du nouveau propriétaire Henri Jonquères d’Oriola, avec la volonté de retrouver le caractère supposé originel de la demeure. L’étude archéologique et historique s’appuie notamment sur le rapport de fouille d’avril 2001 réalisé par Sandrine Conan, avec la collaboration de Laurent Hernandez, et sur des analyses dendrochronologiques qui repèrent la trace d’un bâti du XIIIe siècle sur la parcelle. Le décor peint du plafond de la grande salle, protégé par des faux-plafonds, présente des motifs floraux réalisés au pochoir et un rendu pictural recherché ; les corbeaux sont peints de motifs floraux et de feuilles. D’autres plafonds ont été restaurés, ce qui rend incertaine l’identification d’une hiérarchisation originelle des décors. Les bases et chapiteaux aux épais tailloirs de la galerie du premier étage, de tradition romane et comparés par L. Sallez à ceux du cloître Sainte-Anne de Barcelone, témoignent de la pluralité des styles présents dans la maison. L’histoire de la propriété moderne montre son appartenance à la famille Julia au moins depuis le décès de François Julia le 15 juillet 1839, une transmission familiale jusqu’au partage et aux travaux de Léon Julia, puis une mise aux enchères en 1907 pour dettes, suivie de l’achat par Henri Jonquères d’Oriola en 1910, qui en reste propriétaire pendant environ soixante-dix ans. Aujourd’hui, la Casa Julià illustre les évolutions architecturales et décoratives depuis le médiéval jusqu’aux restaurations des XIXe et XXe siècles, tout en conservant des éléments structurels et artistiques significatifs de son origine gothique catalane.