Origine et histoire de la Maison romano-gothique
La Maison romano-gothique, située au n°15 de la rue Croix-Baragnon, est l’un des plus anciens immeubles civils de Toulouse et un témoignage rare de l’architecture de transition entre les arts roman et gothique. Construite en briques vraisemblablement au début du XIVe siècle, elle se compose originellement de deux corps accolés : un corps en brique sur la rue et un corps en pan de bois s’ouvrant sur la cour, l’ensemble s’appuyant sur une cave liée à un bâtiment antérieur. La façade sur rue, longue d’environ quatorze mètres et divisée en cinq travées, s’élève sur trois niveaux ; le deuxième étage, qui correspondait au premier niveau habité à l’origine, concentre la décoration sculptée la plus remarquable. Au rez-de-chaussée, la porte en pierre ouvragée en arc brisé donne sur un couloir menant à la cour et à l’escalier desservant les étages ; deux boutiques s’ouvrent à droite par de grandes arcades segmentaires en briques, partiellement restituées lors des travaux de la fin des années 1990. Le premier étage, aménagé au XVIIe siècle au détriment du rez-de-chaussée, a vu l’ouverture de fenêtres rectangulaires qui ont modifié les arcs médiévaux ; certaines de ces fenêtres ont été bouchées lors de la restauration de 1998. Le niveau orné présente cinq baies géminées surmontées d’un arc de décharge brisé évidé d’un oculus ; les baies retombent sur une colonnette centrale dont la base et le chapiteau sont soigneusement sculptés. Les chapiteaux et les bandeaux de pierre offrent un décor foisonnant d’influence romane : visages aux coiffures variées, monstres et créatures hybrides, feuillages, écussons et scènes de musique et de chasse figurent dans un répertoire riche et diversifié. Deux bandeaux sculptés rythment la façade entre les baies et au-dessous de leurs appuis ; ils associent motifs végétaux et vingt-neuf écussons, dont quelques-uns portent des motifs sculptés, et multiplient les représentations d’animaux réels ou fantastiques ainsi que des personnages humains. L’exécution de ces sculptures est attribuée à un atelier d’au moins deux sculpteurs actifs au début du XIVe siècle, dont le style a été rapproché des chapiteaux du triforium de Notre‑Dame du Bourg de Rabastens. À l’intérieur, des peintures murales géométriques contemporaines de la construction ont été mises au jour en 1991 au second étage, confirmant l’ancienneté et la qualité du décor. La maison a connu plusieurs remaniements : au XVIIe siècle le corps sur cour a été reconstruit en briques et la distribution intérieure modifiée, tandis que la façade arrière date de cette campagne de travaux. Le logis, qui dépendait auparavant d’un ensemble plus vaste incluant les numéros voisins, apparaît dans les sources avec un premier propriétaire identifié en 1477, Jacques Bénazet ; il appartient ensuite à des membres de la famille Benoist puis passe par alliances et ventes à divers propriétaires, la maison étant fragmentée entre plusieurs propriétaires dès 1650. Au XVIIe siècle l’édifice entre dans la famille d’Aldéguier, puis change de mains au XVIIIe siècle; l’un des héritiers, Clément‑Marie Leblanc, est mentionné jusqu’à la Révolution. Un troisième étage a été ajouté en 1923, et la suppression des devantures de bois au rez-de-chaussée vers 1945 a dégagé les arcades. Des recherches menées à partir de 1990 ont permis de redécouvrir les fresques médiévales et de réévaluer les aménagements des XVIIe et XIXe siècles ; l’ensemble du bâtiment a fait l’objet d’un classement étendu à la fin des années 1990 et d’une campagne de restauration destinée à restituer l’apparence médiévale de la façade sur rue.