Origine et histoire de la Malouinière du Puits Sauvage
La malouinière du Puits Sauvage, située au hameau de Saint-Étienne à Saint-Malo, est une ancienne demeure d'armateurs et de corsaires du XVIIIe siècle aménagée sur des vestiges d'un manoir du XVe siècle. Le nom « Puits Sauvage », selon le propriétaire actuel Jean Gauttier, viendrait d'une pratique horticole familiale consistant à vidanger l'eau des puits voisins pour arroser les terrains. Construite en 1729 pour la famille Nouël de la Baronnie, descendante d'un neveu de Jacques Cartier, la maison fut réalisée par l'architecte du roi Michel Marion. Dès la fin du XVIIIe siècle, elle illustre le développement des malouinières, résidences secondaires des armateurs malouins, et a conservé une grande partie de son authenticité intérieure malgré la disparition de certains éléments. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, qui ont atteint la propriété à l'aide de 170 obus, ont détruit la buanderie, l'aile ouest, le pavillon du jardinier et modifié le dessin du jardin, des pièces qui furent ensuite reconstituées. Le logis et les communs ont été inscrits au titre des monuments historiques en 1990 et ouverts au public depuis 1998.
La malouinière occupe un terrain clos d'un hectare, en angle entre la rue de la Croix Ruaux et la rue du Puits Sauvage, en bordure de la route de Château-Malo. L'ensemble se compose d'un corps central modeste à deux travées, encadré par deux ailes surbaissées ; la disposition des bâtiments autour d'une cour carrée et la présence de deux escaliers placés dans les ailes rendent l'ensemble atypique parmi les malouinières. Le logis, de 20 pièces et d'une surface habitable annoncée de 550 m², conserve ses lambris d'origine rehaussés et des impostes ornées de gypseries à motifs mythologiques caractéristiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle ; la distribution offre généralement une seule pièce par niveau dans le corps principal. Parmi les pièces figurent la salle à manger, le grand salon, un bureau et une bibliothèque de style Empire qui abrite des lettres de marque, ainsi que des objets liés aux officiers et armateurs qui ont habité la maison.
Les dépendances comprennent une grande serre tropicale de 26 mètres de long, 5,5 mètres de large et 5 mètres de haut, qui abrite une collection de plus de 800 espèces de cactées et plantes succulentes rapportées d'Amérique du Sud, d'Afrique du Sud, de Madagascar et d'Australie ; par mesure de sécurité, la serre ne se visite pas et la collection est visible depuis les baies vitrées. Le domaine comporte également une piscine à chevaux datée de 1734, un puits daté de 1746, une ancienne étable transformée en habitation, un garde-manger, un colombier, cave, cellier, écuries, remise à calèches, grenier à foin et un fournil remis en service lors de manifestations associatives. Au fond du jardin se trouve un petit oratoire lambrissé avec deux prie-Dieu devant un autel en bois.
Le jardin, restitué à l'état d'origine depuis 1999, est structuré à la française avec des bosquets de buis et de charmilles, des carrés potagers, un verger séparé par une allée de cerisiers et une terrasse d'agrément ; depuis les années 2020, les buis montrent des signes de maladie. La collection botanique de cactées, en partie issue d'espèces rapportées par des capitaines malouins et enrichie au XIXe siècle par le contre-amiral Pierre-Henry Gauttier du Parc, constitue une spécificité locale ; des plantes exotiques en conteneurs ponctuent le parcours du jardin du printemps à l'automne. Une petite aire de jeu évoquant l'univers des corsaires, équipée d'une barre à roue et d'éléments en bois, figure également dans le jardin.
Parmi les propriétaires notables figurent Pierre-Henry Gauttier du Parc (1772-1850), contre-amiral et hydrographe, qui aurait ramené des spécimens de cactées et la Vénus de Milo à Paris, Michel Gauttier (1917-2016), horticulteur et secrétaire de préfecture, et Jean Gauttier, qui a conduit des travaux de restauration et des recherches historiques sur la malouinière. La demeure a servi de décor dans une série de romans de Frédéric Mars (Frédéric Ploton) et apparaît dans trois épisodes de la collection La Breiz Brigade.