Origine et histoire du Manoir d'Argouges
Le manoir d'Argouges, situé à Vaux‑sur‑Aure (Calvados) en bordure de l'Aure, à 2,2 km au NNO de l'église Saint‑Aubin, est une demeure partiellement datée de la fin du XVe et du début du XVIe siècle, classée au titre des monuments historiques. Lieu de légende, il est associé à la fée d'Argouges dont l'empreinte d'un pied serait visible sur le rebord d'une fenêtre. Le site fut le fief de la puissante famille d'Argouges, mentionnée dès le VIIIe siècle, et plusieurs de ses membres apparaissent dans les sources médiévales. Pillé et partiellement détruit pendant la guerre de Cent Ans, le manoir aurait aussi été le théâtre du massacre d'une garnison anglaise attribué à Du Guesclin. La reconstruction commença à la fin du XVe siècle, puis de vastes campagnes de travaux s'étalèrent aux XVe et XVIe siècles. Parmi les éléments les plus anciens figurent l'enceinte de la cour et la tour sud‑est, peut‑être d'époque XIVe. Aux XVe et XVIe siècles furent édifiés ou reconstruits le logis adossé au mur d'enceinte, les écuries, le colombier, le pressoir et la grange, ainsi que des portails et des communs. Entre 1500 et 1515 on démolit l'aile est en retour et l'on releva la partie centrale du logis avec un grand escalier ; vers 1510‑1520 on ajouta des tours de cabinets et de latrines, le logement du jardinier et l'enceinte du jardin, tandis que vers 1520‑1530 les travaux s'arrêtèrent avant l'achèvement du grand escalier et des grandes salles. À partir des années 1630 le manoir se dégrada et fut transformé en ferme : la grande salle basse fut convertie en écurie, la maison du jardinier en fournil, des remises et un pont en pierre furent construits, et d'autres aménagements agricoles modifièrent la physionomie du domaine aux XVIIe et XVIIIe siècles. Au XIXe siècle on édifia un corps en rez‑de‑chaussée à l'emplacement des anciennes cuisines et l'on transforma la laiterie ; malgré ces transformations, le manoir conserva des éléments remarquables, dont onze cheminées monumentales. Le manoir, peu remanié depuis sa construction, s'organise autour d'une basse‑cour et d'une haute‑cour séparées par des douves en eau. Le logis, bâti en pierre de Caen, se compose de deux pavillons dotés de tourelles : une tourelle polygonale abritant un escalier secondaire et une tourelle hexagonale inachevée, toutes deux ornées de décors de style Renaissance. Le châtelet d'entrée, d'époque début XVIe, présente un double parement, une porte piétonne et une porte charretière à arc surbaissé surmontée de créneaux ; un modillon sculpté figurant une tête humaine orne la porte et un four à pain se trouve à proximité. Les façades comportent des baies à meneaux et des cheminées caractéristiques ; à l'intérieur subsistent des enduits anciens, un salon pavé de tomettes abrite une bibliothèque de style Louis‑XV et, selon la tradition, une cheminée dite royale offerte par François Ier en 1514. Autour du logis se dressent des dépendances, une tour d'angle à mâchicoulis percée d'embrasures, et un colombier comptant 1 474 boulins ; les communs et un corps de garde prennent place à l'extérieur des douves. À proximité se voient les vestiges d'une église romane remaniée en gothique, dédiée à saint Pierre, ainsi que les fondations de l'ancienne chapelle seigneuriale transformée en chapelle funéraire contenant un sarcophage. Classé monument historique par décret du 27 juillet 1924, l'ancien manoir fait l'objet de travaux de restauration, notamment la reconstitution de la partie supérieure de la tour nord du logis. Le site a par ailleurs inspiré artistes et écrivains et figure dans la littérature contemporaine, par exemple dans le roman Normandie, été 76 de Seegan Mabesoone.