Origine et histoire du Manoir de Chauvincourt
Le manoir de Chauvincourt, seigneurie attestée depuis la fin du XIe siècle à la frontière entre le duché de Normandie et le royaume de France, se situe à Chauvincourt‑Provemont dans l'Eure. Il figure parmi les maisons fortes les plus anciennes et les mieux conservées du département. L'édifice a fait l'objet d'inscriptions au titre des monuments historiques par arrêtés des 19 juin 1961 et 3 décembre 1998, ce dernier couvrant le logis dans son entier, le cellier, le pavage de la cour sud, les murs de soutènement nord et l'assise foncière. Implanté dans le Vexin normand, le manoir domine l'un des coteaux de la vallée de la Bonde, proche de l'église Saint‑Maclou qui faisait partie du domaine, et bénéficie d'une vaste perspective sur les champs et prairies alentour. Le bâtiment, en milieu rural préservé marqué par des constructions en brique et en silex, comprend un logis rectangulaire en pierre calcaire et silex, de plan simple, daté des XIIIe siècle et modifié aux siècles suivants. Le corps principal mesure 13,50 m sur 8,80 m et s'élève à 16,30 m du sol au faîtage ; il comporte un étage de soubassement, un rez‑de‑chaussée, deux étages habités et un comble dont la charpente date du XVIIIe siècle. L'implantation sur un terrain en pente explique que l'accès au rez‑de‑chaussée se fasse par le nord tandis que l'entrée du premier étage se trouve au sud ; un escalier et un couloir souterrain relient le cellier à une cave plus basse, sous la cour sud. La construction associe des moellons de silex et de schiste, avec des parties en calcaire ; la façade nord, haute de 9,80 m, est étayée par trois contreforts massifs d'origine, et les murs en retour présentent également des contreforts. À l'extrémité ouest de la façade sud, deux contreforts modernes encadrent l'emplacement d'une tourelle de latrine détruite en 1958 en raison de son mauvais état. Selon l'étude d'Edward Impey, l'édifice a connu trois grandes phases : la construction initiale avec la cave et la tourelle de latrine (1200‑1220), une refenestration partielle de la façade nord vers 1580, puis au XVIIe siècle la création d'une souche de cheminée centrale, le cloisonnement intérieur, l'installation d'un escalier en vis et l'aménagement du grenier et de la charpente. Le cellier et la cave se visitent par un escalier de quinze marches sous un arc en tiers‑point ; la cave présente un passage central voûté d'environ 1,40 m de large, bordé de trois niches voûtées de chaque côté qui s'enfoncent de 1,40 m à 3,15 m. L'étendue de la cave sous la cour sud suggère qu'aucun bâtiment important ne s'est trouvé à cet emplacement, situation comparable à la cave du château de Gisors. L'entrée du rez‑de‑chaussée s'ouvre à l'extrémité occidentale du mur nord par une large porte en arc brisé ; ce mur présente deux petites fenêtres de part et d'autre du contrefort central et les traces d'une troisième ouverture sur le mur ouest, transformée en porte avant d'être rétablie en fenêtre après 1958. Le mur sud du rez‑de‑chaussée est sans ouverture apparente, ce qui témoigne de son enfoncement dans le talus, et le mur est est aveugle ; un escalier à vis, bâti au XVIe ou XVIIe siècle dans l'angle nord‑est, relie les niveaux. L'accès primitif au premier étage reste incertain ; on y observe toutefois une fenêtre au nord du mur ouest composée d'une ouverture surmontée d'un oculus, et une fenêtre dans la moitié occidentale du mur nord qui pourrait être d'origine médiévale. Une bande verticale de blocs de grès sur le mur sud, s'élevant jusqu'à près d'un mètre sous l'avant‑toit, évoque la présence autrefois d'un conduit de cheminée. Le deuxième étage était accessible depuis un escalier extérieur dont l'emplacement correspond probablement à la partie est du mur sud ; à l'ouest, une petite porte en plein cintre, aujourd'hui sans issue, donnait sur une tourelle de latrine détruite dont la fosse a été retrouvée lors de l'abattage. La partie orientale de la façade nord accueille une fenêtre de style Renaissance du XVIe siècle ornée du blason de Philippe de Fumechon et de son épouse, tandis que trois fenêtres du XIIIe siècle subsistent intégralement, l'une dans chaque pignon et la troisième dans la moitié ouest du mur nord ; ces baies, à meneau chanfreiné et oculus, conservent des coussièges et, pour certaines, des restes de colombes. Au sud, une cour pavée s'ouvre sur le terrain en herbe du village, et au nord une terrasse d'environ 1 300 m2 est retenue par un mur de silex à chaînages de pierre de taille probablement du XVIIe siècle. Les plans cadastraux de 1809 et 1840 et les sources anciennes attestent d'autres constructions aujourd'hui disparues, notamment un pavillon d'entrée proche de l'église, une grange incendiée et un mur d'enceinte décrit en 1629 qui entourait le manoir, le cimetière et l'église. Occupé du XVIIIe siècle à la fin des années 1950 comme manoir d'exploitation et logis pour ouvriers agricoles, le bâtiment était en ruine lorsque, en 1958, il fut acheté par ses propriétaires actuels, descendants de Philippe de Fumechon par une autre branche Biencourt‑Belloy, qui entreprirent une importante restauration.