Origine et histoire du Manoir de Kéroué
Le manoir de Kéroué, situé sur la commune de Loguivy-Plougras, se signale comme une ancienne résidence seigneuriale associée à une exploitation agricole, à 2 800 mètres à l'ouest du bourg et à 215 mètres d'altitude, à proximité immédiate de la source du ruisseau de Toulec, affluent de la rivière Saint-Emilion. L'ensemble bâti comporte des éléments datés : la grange et la chapelle sont attribuées au XVIe siècle, le corps de logis principal au dernier quart du XVIe siècle, l'aile droite et le manoir en équerre aux premières décennies du XVIIe siècle, et une grange à poteaux au début du XIXe siècle. Un colombier construit vers 1655 a été détruit vers 1850 ; l'enceinte a été aménagée en mur rucher et les terrains associés comprenaient jardins, prés et bois pour une superficie de soixante journaux. Le château présente des traits défensifs — tourelle d'escalier, échauguette et mâchicoulis sur le pignon sud — témoignant d'un retour à l'architecture militaire suscité par les guerres de Religion. Selon les sources, l'édifice primitif est parfois rattaché au XVe siècle et à Alain du Dresnay, tandis que la construction du château tel qu'il subsiste aujourd'hui est généralement située à la fin du XVIe siècle et attribuée à Pierre du Dresnay et à sa femme Anne de la Haye. Les travaux semblent avoir commencé après la mort d'un des propriétaires et le règlement de sa succession dans les années 1580, avoir été suspendus au début des années 1590 sous la pression de la Ligue, puis arrêtés définitivement en 1594 à la suite de la mort du seigneur devant le château de Morlaix et de la confiscation de ses biens par le roi. Les terres et métairies de Kerroué appartiennent successivement à la famille de Beaucours (1427, Marguerite de Beaucours), à la famille du Dresnay (1464‑1713), puis à la famille Le Lagadec devenue de Lagadec (1714‑1792) ; les armes de ces familles sont décrites par les sources. Claude‑René de Lagadec récupère l'ensemble en 1802; au XIXe et XXe siècles la propriété passe encore entre différentes familles, dont Le Lagadec de Mézedern, Roquefeuil et Porée du Breil, avant d'appartenir à la famille La Morinière qui entame des travaux de réhabilitation depuis 1990. La seigneurie de Kerroué, présentée comme relativement jeune, s'insère entre les seigneuries voisines (Scozou, Trogorre, Menez, Callac, Kerradenec) et couvrait un territoire d'environ deux kilomètres de rayon autour du château, comprenant 38 villages ou lieux‑dits en Loguivy‑Plougras, 11 en Plougras et un convenant en Lohuec. Les propriétaires de Kerroué étaient vassaux et devaient rendre aveu à divers seigneurs locaux, et au XVe siècle la seigneurie dépendait de Trogorre ; en 1536 Alain du Dresnay se rapproche de la mouvance de Guingamp. Pendant la Révolution, le château servit de refuge occasionnel au chef chouan Charles‑Guillaume Poens de Kerilis et au prêtre insermenté de Plougras, Philippe‑Ange Ellès. À la fin du XIXe siècle et au tournant du XXe, l'édifice connaît un état de délabrement marqué ; il fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 27 septembre 1993. Une tradition locale, recueillie notamment par François‑Marie Luzel, rapporte la légende d'un voleur de chevaux, Bilz, qui aurait berné le marquis de Kerroué puis épousé l'héritière du château.