Manoir de l'Estrasselle à Beuvry dans le Pas-de-Calais

Patrimoine classé Demeure seigneuriale Manoir

Manoir de l'Estrasselle

  • 203-437 Rue de l'Estracelles
  • 62660 Beuvry
Crédit photo : Floflo62 - Sous licence Creative Commons
Propriété d'une association

Période

XVIIe siècle

Patrimoine classé

Façades et toitures (cad. B 136) : inscription par arrêté du 18 avril 1966

Origine et histoire du Manoir de l'Estrasselle

Le rapport de fouilles programmées de 2015 permet de synthétiser l'histoire du fief et du manoir d'Estrasselle, les familles qui s'y sont succédé et l'évolution du site jusqu'à nos jours. Le fief est mentionné dans les archives à partir du XVe siècle ; en 1435 Robert de Nédonchel le vend à Monseigneur de Humières, sans indication de la présence d'un manoir. La date de construction du premier logis reste incertaine, estimée par les chercheurs à la première moitié du XVIe siècle. Le fief appartient alors à la famille Esmenault et passe en 1548 à la famille de Croix par le mariage d'Isabeau d'Esmenault avec Guillaume II de Croix. La première mention explicite d'un bâti date de 1569 : un bail indique que le manoir est loué à un laboureur, ce qui signifie que la famille seigneuriale n'y réside pas. Un second logis, daté par un chronogramme de 1629 sur le linteau de la porte de la cave, est attribué à la famille de Croix ; sa construction réduit le logis du XVIe siècle en lui supprimant des travées et crée des ouvertures permettant l'accès au nouveau logis, suggérant un retour d'occupation par la famille de Croix. Malgré cela, en 1666 Charles de Croix consent un arrentement perpétuel du logis et des terres à un laboureur, contrat renouvelé en 1686 ; cet arrentement marque la transformation progressive de l'habitat seigneurial en domaine agricole. Le manoir reste propriété de la famille de Croix jusqu'en 1657, date du mariage de Marie‑Florence de Croix avec Jean du Pont de Taigneville, puis entre, en 1692, dans la famille Malet de Coupigny par un nouveau mariage. Un document de 1752 décrit le domaine comme composé de terres labourables, d'une maison et d'autres édifices, avec des limites et une redevance annuelle de 9 livres ; un plan du XVIIIe siècle est conservé aux archives départementales. À la fin du XVIIIe siècle la famille Coupigny demeure propriétaire ; en 1794 des matières tourbeuses sont vendues par adjudication au profit de Charles‑Constant Coupigny, émigré à Bruxelles, et le domaine est cédé par ses héritiers le 24 août 1803. Un acte de 1817 rappelle que les héritiers Malet de Coupigny revendent l'Estracelles « au profit des créanciers », ce qui éclaire difficilement la situation post‑révolutionnaire et la tenue des biens. À partir de 1803 la propriété change de mains à plusieurs reprises. Anselme François Joseph Somville acquiert le domaine en 1803, vend une partie des terres et en met une autre en bail en 1817 ; la matrice cadastrale de 1832 mentionne Ignace Somville comme propriétaire des parcelles de la ferme. En 1849 Julien Hurtrel devient propriétaire et fait construire en 1851 un moulin à eau sur la Loisne ; un acte de 1852 mentionne un échange de propriété avec Alexandre Hurtrel. La matrice cadastrale recense des usages variés des parcelles : terres, jardin, verger, saussaie et aulnaie, éléments d'eau, prés, bâtiments, avenue, brasserie et moulins à eau puis à vapeur ; le moulin à eau est transformé en moulin à vapeur en 1856, la brasserie devient remise en 1862 et le moulin à vapeur est déclaré hors service en 1868. La propriété revient vers 1886 à Louis et Jude Hurtrel ; elle est vendue le 6 janvier 1911 à François Berche et décrite comme un ensemble comprenant corps de logis, granges, étables, écuries, dépendances, cour, jardin, pâture et vivier sur une contenance de 1 ha 84 a 40 ca. Pendant la Première Guerre mondiale les troupes anglaises occupent le secteur et un officier réalise en 1916 une vue du manoir, connue aujourd'hui via une carte postale dans les archives privées de Philippe Decroix et fidèle à la physionomie actuelle du bâtiment. Divers agriculteurs se succèdent jusqu'en 1961, date à laquelle une société acquiert le site pour y établir un centre d'accueil pour jeunes en réinsertion ; le projet tarde et le site se dégrade jusqu'à son inscription aux Monuments historiques le 18 avril 1966 au titre des façades et toitures, ce qui contribue à le préserver. À partir de 1972 un collectif autour de Philippe Decroix occupe le manoir pour le sauvegarder et en faire un musée de l'agriculture locale ; Decroix crée en 1974 l'Association de sauvegarde du manoir de l'Estracelles qui achète le bâtiment pour 32 600 francs grâce à des dons et subventions, revendant une partie des terres pour financer près de vingt ans de travaux de nettoyage et de réhabilitation. Lors de ces travaux sont mises au jour un enduit peint de rinceaux et d'oiseaux au rez‑de‑chaussée du logis du XVIIe siècle, daté du second quart du XVIIe siècle et inscrit au titre des objets le 15 février 1988, et une peinture murale au premier étage du logis du XVIe siècle portant une surface peinte en rouge, une inscription religieuse et les initiales « A.H. » avec la date « 1644 » ; cette dernière, visible avant l'incendie de 2004, est depuis protégée par une couverture de bois. Deux granges du XVIIIe siècle sont installées sur le site entre 1973 et 1975, la grange nord provenant vraisemblablement d'une ferme de Fouquières, et des tommettes sont posées dans la salle principale du logis XVIIe. La clé de voûte de la porte menant à cette salle conservait encore dans les années 1990 un blason écartelé comportant, dans le troisième quartier, une croix pattée et, dans le quatrième, trois fleurs de lys, armes de la famille de Croix. En 1997 l'association fait don du manoir à l'Association des Amis du musée de Béthune et de l'Estracelles ; après le décès de Philippe Decroix en 1998, le manoir accueille un musée retraçant son histoire et présentant du matériel agricole ancien, activité poursuivie jusqu'à l'incendie de la nuit du 26 juillet 2004 qui ravage la porterie et le logis, atteint partiellement les peintures murales et détruit le conduit de cheminée central et des cloisons. Des travaux de consolidation sont engagés immédiatement — maçonnerie, baies, faitages, cheminées, charpentes et planchers — et une toiture en tôle est posée provisoirement. L'incendie précipite la cession du manoir en 2010 à la Communauté d'agglomération d'Artois Comm. Béthune‑Bruay, qui s'engage, par le contrat de cession, à lui donner une vocation culturelle et patrimoniale ; des travaux complémentaires de restauration des clos et couverts sont alors entrepris. En 2016, en concertation avec les Monuments Historiques, l'agglomération conduit un important chantier de réhabilitation comprenant le ravalement complet des façades, le remplacement de la toiture en tôle par une couverture de tuiles plates ponctuée de quatre lucarnes sur la face intérieure sur cour, le remplacement des menuiseries par des fenêtres à meneaux en bois et la pose de nouvelles portes. Aujourd'hui (2023) le manoir n'a pas d'usage défini mais des projets culturels sont évoqués depuis 2022. Arrentement : il s'agissait d'un contrat par lequel une personne donnait à une autre la jouissance d'un immeuble moyennant une prestation annuelle, en nature ou en argent, souvent à perpétuité.

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