Origine et histoire du Manoir de la Grand-Cour
Le manoir de la Grand-Cour s'élève au centre d'un espace clos et fut la principale résidence seigneuriale de la vicomté de Taden, relevant de Dinan. Exemplaire de logis-porche, il se compose de deux corps : la résidence seigneuriale au nord et une seconde résidence au sud, séparées au rez-de-chaussée par une porte charretière. La haute tourelle d'escalier, contemporaine de l'ensemble, est couronnée d'une plate-forme flanquée d'un tourillon en encorbellement ; la porte possède un tympan lisse qui portait autrefois un blason peint. Ces éléments — tourelle et tourillon — sont caractéristiques des constructions de ce type en Côtes-d'Armor. Les façades conservées du logis datent de la fin du XIVe siècle ; la tour, située en angle, comporte une vis avec relais donnant accès à la plate-forme de guet. Le changement d'appareil, avec des moellons plus petits sur la face arrière de la tour, suggère que cette face n'était pas visible depuis la cour ancienne. Au-dessus du passage voûté, une imposante console révèle l'emplacement d'une coursière en bois menant à un bloc de latrines aujourd'hui disparu, dont les arrachements subsistent ; la porte haute du pignon nord atteste quant à elle l'existence d'un hourd disparu reliant également à des latrines. L'implantation, l'orientation inhabituelle du logis et son rôle de corps de passage indiquent l'existence probable de bâtiments aujourd'hui disparus dans la basse-cour et la cour.
Des documents d'archives confirment l'organisation intérieure à la période moderne. Un acte notarié de 1552, dressé par Marie Le Voyer, dame de Taden, décrit une salle basse attenante à une cuisine, à l'ouest une chambre basse avec latrines et à l'est une cave et une despense ; ce même document évoque aussi une passe conduisant vers le fournil et la boulangerie et, à l'étage, trois hautes chambres et des greniers. La localisation de la cuisine pourrait correspondre à une aile arrière dont le fantôme apparaît sur les anciens cadastres. La date précise de la construction du logis seigneurial reste incertaine ; le nom de Geoffroy de Quédillac apparaît dans les montres des années 1370 et sur le testament du connétable Duguesclin, et il est vraisemblablement le commanditaire du manoir ; il fit également construire une chapelle dédiée à sainte Catherine. Son petit-fils Robert de Quédillac mentionne en 1450 l'"hostel et manoir de Taden avecques les jardins". La famille Quédillac possédait encore la Grand'Cour en 1513 ; Catherine de Quédillac la transmit à son mari Bertran Ferré, seigneur de la Garaye, avant qu'elle ne soit vendue à la famille Marot des Alleux, détentrice jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.
La seigneurie de Taden fut élevée successivement en châtellenie, vicomté puis comté, et la seigneurie fut vendue en 1618 ; depuis cette vente le manoir ne servit plus de résidence principale aux propriétaires, les seigneurs de la Garaye utilisant, d'après la tradition orale, les communs pour le parcage des carrosses et des chevaux lorsqu'ils se rendaient à l'église du bourg. Des modifications ont été apportées à différentes époques : deux portes sous le passage voûté ont été percées au XVIe siècle pour desservir la salle basse, de même que la grande arcade du logis secondaire, marquée par une double rangée de claveaux formant un arc légèrement surbaissé. Le pavillon anciennement utilisé comme fournil, dessiné par Yvonne Jean-Haffen et placé près du portail, pourrait remonter à cette période. Le manoir a été progressivement réaménagé en ferme : une aile basse figurant sur le cadastre de 1843 était accolée au pignon nord et subsista jusqu'aux restaurations des années 1990, de même que des soues à cochons adossées à l'escalier droit desservant une petite salle haute du logis de service.
Le portail du XIVe siècle visible au lieu-dit "Petit Bon Espoir" proviendrait du manoir et aurait été transféré, probablement lors de la fondation du couvent des sœurs du Saint-Esprit par Claude Marot de la Garaye en 1729 ; les armoiries ont été bûchées et ne sont plus lisibles. Le manoir a été acheté par la commune en 1991 et classé au titre des monuments historiques par arrêté en 1993. La restauration menée dans les années 1990 par Alain-Charles Perrot a privilégié la restitution d'un état gothique présumé : la partie seigneuriale a été remise en état et les communs consolidés, une partie du décor peint de la grande pièce haute — une moucheture d'hermines ocre rouge sur fond blanc — a pu être sauvée, et l'escalier droit extérieur d'accès à la pièce haute a été restitué. La partie secondaire du logis, identifiée comme logis d'hôte ou de régisseur, ainsi que le pavillon d'entrée privé de sa toiture à quatre pans, restent en attente d'une réhabilitation intérieure.