Origine et histoire du Manoir de la Ranloue
Le manoir de la Ranloue, situé à Saint-Barthélemy-d'Anjou dans le Maine-et-Loire, est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 19 juillet 1977. L'ensemble résulte de l'assemblage de trois corps de bâtiments, dont les phases de construction principales datent des XVIe–XVIIe et du XVIIIe siècles. La partie basse originelle, des XVIe–XVIIe siècles, se caractérise par de petites ouvertures et comprend un logis avec chambres basses et hautes et un grenier accessible par un escalier à vis aux marches de schiste, logé dans une tour carrée coiffée en pavillon qui surmonte des toitures à forts pans. Au début du XVIIe siècle, un bâtiment ajouté à l'est abritait la cuisine, la boulangerie, une remise et une grange munie d'un pressoir, avec greniers et une couverture partiellement en toit à la Mansart. Au XVIIIe siècle, deux pavillons jumelés ont été édifiés au sud, en partie enclavés dans les constructions antérieures et desservis par les escaliers existants. L'assemblage de ces trois corps confère au manoir une silhouette originale, perceptible surtout dans la complexité des couvertures. À l'ouest se trouve la grande longère dite maison du fermier et, à l'est, un jardin potager clos de murs agrémenté de deux petits pavillons appelés “vide-bouteilles”.
La restauration engagée en 1975 a mis en valeur le patrimoine intérieur : on y trouve six cheminées en tuffeau, toutes différentes, une grande cheminée de cuisine avec potager, et dans la boulangerie une imposante cheminée en brique et un four refaits à l'identique. Quelques menuiseries du XVIIe siècle ont été conservées à l'étage et les charpentes, laissées apparentes, ont été valorisées.
La Ranloue apparaît dans des titres anciens : en 1497 la closerie est mentionnée comme ayant été acquise par Jacques Huaigre et René Raoul. Au début du XVIe siècle, Pierre Dugrat, marchand drapier, et son épouse Marie Medavy firent construire le logis ; leur fils François Dugrat en hérita et en fit déclaration en 1541. Par alliance, la demeure passa ensuite dans la famille Fouquet et resta dans cette lignée jusqu'à la cession par Isaac Fouquet à Martin Fortin en 1608. Les registres signalent d'autres changements de propriétaire aux XVIIe et XVIIIe siècles, dont une acquisition liée à Pierre Nicolas, seigneur de la Thibaudière, en 1708, et la mention des héritiers du sieur Prévost en 1785. Au début du XIXe siècle la Ranloue appartenait à René Prévost ; la succession donna lieu à une vente aux enchères en 1804, adjugée à Olivier Jean Gaignard. La propriété resta dans sa descendance, puis passa, par alliances et successions, aux familles Renault-Lagrange et de Becdelièvre ; au début du XXe siècle la maison n'était plus habitée et était alors évaluée comme ne rapportant qu'un faible revenu. Privée d'usage de maison de campagne depuis plus d'un siècle, elle a cependant été épargnée par des transformations destructrices ou la démolition.
Avant l'acquisition communale, des études de sauvegarde avaient été menées par le cabinet Enguehard et Lamaison ; après l'achat par la commune en 1975, des travaux provisoires de mise hors d'eau furent réalisés et la maison du fermier fut restaurée pour devenir la bibliothèque. Suite à l'inscription de 1977, des travaux de restauration furent exécutés de 1978 à 1981 par tranches, pour un coût global de 2 834 236 F. Certains murs de façade déversant ont dû être reconstruits ; les anciens matériaux (schiste, tuffeau, bois, carrelage) ont été systématiquement réutilisés et les éléments neufs traités à l'ancienne avec enduits et mortier de chaux. Les deux pavillons du jardin ont été rénovés avec le même soin.
Les Dugrat et les Fouquet avaient jadis entouré la propriété de douves et de murs ; lors du redécoupage paysager la douve sud subsistait encore. En 1991, le paysagiste Jacques Courilleau a conçu un jardin rectangulaire divisé en quatre compartiments comprenant une roseraie en parterres bordés de buis autour d'un bassin, une charmille formant un labyrinthe et deux carrés de pelouses séparés par des allées bordées d'arbres fruitiers, d'arbres de haute tige, d'arbustes et de vivaces ; pour des raisons de sécurité, l'ancienne douve a été comblée et engazonnée. En 1999, un nouveau bâtiment destiné à la médiathèque, conçu par François Jeanneau, a été édifié sans emprise sur le logis ancien : construit en murs de schiste avec une charpente bois et couverture en ardoises, il adopte le principe d'une halle et relie le logis par une coursive vitrée sur deux niveaux.