Origine et histoire de la Manufacture Bohin
La Manufacture Bohin, située à Saint-Sulpice-sur-Risle, dans le Pays d'Ouche (Orne, Normandie), réunit une usine de fabrication d'aiguilles et d'épingles et un espace muséographique qui replace la production dans le cadre plus large des savoir-faire locaux. Avant 1833, Pierre-Noël Bohin travaillait comme fabricant d'objets en fer et en bois à L'Aigle et c'est en 1833 que son fils Benjamin crée l'entreprise Bohin. Le site de Saint-Sulpice, acquis en 1866, comprenait alors une fonderie, une tréfilerie de cuivre, une épinglerie et une aiguillerie ; il avait déjà pris une dimension industrielle à partir de 1856. Installée dès 1819 à l'emplacement d'un ancien moulin à farine, l'usine avait d'abord fonctionné grâce à la force hydraulique, avec l'ajout d'une seconde roue en 1834, et produit notamment des boucles de sellerie pour les frères Bouilland. La production de plumes métalliques, d'aiguilles et de broches à tricoter est attestée dès 1850 ; en 1869 on comptait 20 bobines et 20 machines à épingles, tandis que l'effectif était de 23 ouvriers en 1867 puis 34 en 1873. L'établissement a été gravement incendié en 1877 et reconstruit en grande partie vers 1880 par Benjamin Bohin, puis agrandi à nouveau vers 1901. Le site conserve depuis lors des aménagements anciens — canal, bassin de retenue, chaufferie, cheminée d'usine, ateliers de fabrication, bureau, conciergerie et hangar — et n'a pratiquement pas été modifié. Il demeure le seul établissement du pays d'Ouche à poursuivre une activité traditionnelle régionale déjà signalée au XVIIIe siècle et fait l'objet d'un fonds d'archives local. Partiellement inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 2 octobre 1995, l'ensemble protège notamment les façades et toitures de certains ateliers, la chaufferie, le bureau et la conciergerie. Un projet de musée initié dans les années 2000 a abouti en 2014 : en 2010 la présidence de la société a vendu des bâtiments de stockage à la communauté de communes pour développer l'espace muséographique, dont la restauration a été conduite par l'architecte Jean‑Marie Mandon avec la scénographie de François Confino. La partie muséale a été inaugurée le 28 février 2014 et ouverte au public le 4 mars 2014 ; la production reste cependant l'activité principale du site. Le visiteur peut découvrir les ateliers en fonctionnement, certaines machines datant du XIXe siècle, depuis un passage protégé qui permet d'observer les ouvriers au travail. La muséographie replace la manufacture dans son environnement industriel et met en regard les savoir-faire locaux — dentelle, travail des fils et produits métalliques, etc. — ainsi que des créations et manifestations temporaires. Le site accueille régulièrement expositions, concours et événements culturels, parmi lesquels des expositions temporaires et des projets de cinéma d'animation en écrans d'épingles, et a reçu plusieurs centaines à quelques milliers de visiteurs pour certaines expositions. Des études, notices et reportages documentent enfin la manufacture et son insertion dans le patrimoine industriel et culturel de la région.