Origine et histoire de la Manufacture nationale
La Manufacture nationale de Sèvres, fondée à Vincennes en 1740 avec le soutien de Louis XV et de Madame de Pompadour, est la manufacture de céramique de l'État français et a successivement pris les titres royal, impérial puis national. Transférée à Sèvres au milieu du XVIIIe siècle, elle s'installe sur un site en bordure du domaine national de Saint-Cloud où elle accueille également le musée national de Céramique et où la production se poursuit aujourd'hui. Conçue à l'initiative de Madame de Pompadour, l'usine sévrienne comportait un pavillon central flanqué de longues ailes et abritait, à ses différents étages, les ateliers, les fours et les ateliers de décoration, formant une organisation artisanale complète. Louis XV devint actionnaire unique et la manufacture fut ensuite rattachée au domaine de la Couronne, renforçant son statut institutionnel. Initialement spécialisée dans la porcelaine tendre découverte par Louis‑François Gravant, la manufacture multiplia les recherches pour obtenir une porcelaine à pâte dure comparable aux productions allemandes. Ces efforts impliquèrent des échanges techniques avec des artisans de Frankenthal, des essais scientifiques à Sèvres et des transactions visant à acquérir des procédés, tandis que la découverte de gisements de kaolin en France permit d'utiliser des matières premières nationales. Des vases en porcelaine à pâte dure furent commercialisés fin 1773, et de nouveaux décors et services, comme le fond écaille, firent partie des réalisations destinées aux cours et aux commandes de l'État. Sous la direction d'Alexandre Brongniart, la manufacture connut un essor et une renommée internationale au début du XIXe siècle. Installée dans des bâtiments spécialement construits en bordure du parc de Saint-Cloud dans les années 1870, elle resta fidèle à une production de haute qualité plutôt qu'à une fabrication industrielle de masse. Les anciens locaux situés avenue Léon‑Journault furent ensuite occupés par l'École normale supérieure de jeunes filles puis, après la Seconde Guerre mondiale, par le Centre international d'études pédagogiques. La main-d'œuvre et les pratiques ont évolué : après une expérience de « fleurisserie » féminine au milieu du XVIIIe siècle, la peinture et les décors furent souvent réalisés par des artisanes travaillant chez elles, puis réintégrés progressivement aux ateliers. La fabrication s'appuie sur le kaolin de Saint‑Yrieix et sur une couverte à base de pegmatite ; le « bleu de Sèvres », oxyde de cobalt incorporé à la couverte, est l'une des signatures chromatiques de la manufacture. Au XIXe siècle, Ambroise Milet fit construire plusieurs grands fours à bois, encore remarquables aujourd'hui et classés monuments historiques, qui permettent des cuissons longues et lentes conférant des qualités d'émail particulières et la possibilité de produire de très grandes pièces. Ces cuissons au bois restent exceptionnelles et spectaculaires : la manufacture alterne fours à bois pour des événements remarqués et fours à gaz pour la production courante, mobilisant pour les premières un important travail d'ateliers. L'institution et son musée ont été regroupés au sein d'un établissement public au début des années 2010, puis rapprochés de la Cité de la céramique Sèvres et Limoges, avant la création en 2025 des Manufactures nationales – Sèvres & Mobilier national. Fidèle à sa mission d'origine, la manufacture produit aujourd'hui objets et œuvres de céramique d'art selon des techniques artisanales, assure rééditions et créations contemporaines, répond aux commandes de l'État et diffuse une production commerciale de haut de gamme. De nombreux artistes et sculpteurs de renom ont travaillé pour Sèvres — parmi eux François Boucher, Auguste Rodin, Jean Arp, Yayoi Kusama ou Ettore Sottsass — témoignage de l'attraction qu'exerce le lieu sur la création. Des pièces de la manufacture figurent dans la littérature et le cinéma, ses collections sont présentées en permanence à Sèvres et à Paris, et la diffusion se fait aussi par des expositions et des participations à des manifestations internationales. Enfin, les bâtiments et le paysage qui entourent la manufacture ont fait l'objet de débats et d'aménagements récents, suscitant des réactions d'associations de défense du patrimoine et de la nature.