Origine et histoire de la Manufacture royale de glaces de miroirs
La Manufacture royale des glaces de miroirs a été fondée en 1665 par Colbert et est à l’origine du groupe Saint-Gobain ; elle a notamment produit les miroirs de la Galerie des Glaces de Louis XIV. Souhaitant rendre la France autosuffisante pour les produits de luxe, Colbert s’intéressa à l’industrie du verre alors dominée par Venise ; il fit venir des verriers vénitiens en promettant argent et exemptions, mais certains furent empoisonnés du fait du mercure employé pour la fabrication de la galerie. Par lettres patentes d’octobre 1665, Nicolas du Noyer reçut un monopole de fabrication pour vingt ans ; la nouvelle manufacture débuta dans le faubourg Saint-Antoine à Paris avec un soutien financier de l’État. Colbert affecta plusieurs ouvriers vénitiens à l’entreprise et les premiers miroirs sans défaut apparurent dès 1666, mais des tensions techniques et des coûts élevés conduisirent au renvoi des Vénitiens en 1667 et au transfert de la fabrication à Tourlaville, près de Cherbourg, tandis que les ateliers parisiens se consacraient au polissage. En 1672 l’importation de verre de Venise fut interdite aux sujets du roi et, à la fin du règne de Louis XIV, la manufacture exportait des glaces pour des montants importants, consacrant la prédominance française. La concurrence interne se développa ensuite : la création de la Compagnie Thévart à partir de 1688 et l’apparition d’un procédé de coulage permettant des formats plus grands entraînèrent un essor des installations forestières, si bien qu’en 1692 Louis Lucas de Néhou s’installa dans l’ancien château des sires de Coucy, à Saint-Gobain, pour disposer des approvisionnements en bois nécessaires. Après une fusion supervisée par le ministère en 1695 apparut la Compagnie Plastrier, qui fit ensuite faillite en 1702 ; un groupe de financiers genevois dirigé par Jacques Buisson prit alors le contrôle et la société prit le nom de Compagnie Dagincourt sous la direction d’Antoine Dagincourt, le privilège étant renouvelé jusqu’à la Révolution. L’épuisement des ressources forestières à Tourlaville conduisit à des importations de charbon, puis à l’abandon progressif de ce site et à la supériorité industrielle du site de Saint-Gobain. L’actionnariat du XVIIIe siècle rassemblait des familles de la banque genevoise, de la haute noblesse et de la bourgeoisie d’affaires parisienne ; Pierre François Geoffrin devint le principal actionnaire à partir de 1703, et sa veuve, Madame Geoffrin, ainsi que sa fille Marie‑Thérèse de La Ferté‑Imbault, héritèrent de ses parts et utilisèrent leur influence sociale et politique pour soutenir le renouvellement des privilèges. Après la Révolution, la Manufacture prit le nom de compagnie de Saint‑Gobain et l’ancien site parisien rue de Reuilly fut vendu à l’Armée pour l’édification de la caserne de Reuilly. Sur le site de Saint‑Gobain, l’implantation se compose d’un bâtiment d’administration édifié vers 1735, d’un portail et d’un poste de garde de 1756, du Bel Air construit en 1772‑1773, de logements appelés Maisons Neuves bâtis entre 1775 et 1785, ainsi que d’un moulin à soude élevé en 1758 et transformé en sanctuaire pour la chapelle qui lui est accolée en 1787. Les bâtiments industriels visibles aujourd’hui datent pour l’essentiel de la fin du XIXe siècle (1880‑1900) et ont été remaniés après la Première Guerre mondiale. Les lettres patentes fondatrices de 1665 ont été renouvelées à plusieurs reprises jusqu’à la Révolution, avec des actes et renouvellements notables en 1683, 1695, 1702, 1727, 1757 et 1785. En 2018, la manufacture des glaces était occupée par l’entreprise Concept 1900, qui fabrique et exporte des manèges de type carrousel.