Origine et histoire du Mas de Méjanes
Le Mas de Méjanes, situé sur la rive nord‑ouest de l'étang de Vaccarès entre les Saintes‑Maries‑de‑la‑Mer et Arles, près du hameau d'Albaron, est une vaste propriété agricole et touristique appartenant à la famille Ricard. La première mention de la terre de Méjanes apparaît au XIe siècle : un acte de mars 1048 évoque la "Villa Mejanis". La partie la plus ancienne du logis et la tour datent probablement du XIIIe siècle ; la tour a été fortement modifiée au XVIIe siècle, notamment la porte principale, les mascarons et l'escalier intérieur, lors de la reconstruction du logis, qui a connu par la suite plusieurs remaniements (modifications des baies, adjonctions, surélévations). La seigneurie passa aux Templiers au XIIIe siècle et leur présence est attestée jusqu'aux procès du XIVe siècle ; par la suite la terre revint aux hospitaliers de l'ordre de Saint‑Jean de Jérusalem. Au fil des siècles Méjanes a connu de nombreuses péripéties : fortifications par Raimond des Beaux, enjeux liés aux routes et aux voies d'eau du delta, périodes d'incursions et de pillages, et des travaux d'endiguement pour protéger les terres des inondations. La famille d'Aiguières devint propriétaire à la fin du XVe siècle, érigea une croix face à l'ancienne tour en 1606, puis, par mariage, la propriété passa au XVIIe siècle à la famille Piquet. Guillaume de Piquet, récompensé pour son action pendant l'épidémie de peste, fit élever la terre en marquisat en 1723 ; son fils Jean‑Baptiste‑Marie de Piquet, grand bibliophile, léguera en 1786 sa collection à la bibliothèque municipale d'Aix‑en‑Provence, à l'origine de la Bibliothèque Méjanes. Les siècles suivants voient l'évolution des cultures et des techniques : embâchements et irrigation, essor du riz, de la canne à sucre et de la garance, puis des crises comme l'invasion de criquets de 1613 qui conduisit à l'abandon temporaire du mas. Aux XIXe et XXe siècles, les progrès des transports modifièrent l'économie locale ; au XXe siècle le riz, le taureau et le cheval l'emportent sur le blé et le mouton. En 1939 la société des Raffineries de sucre de Saint‑Louis vendit le domaine à Rose Pauline Joséphine Cournand et à son fils Paul Ricard, qui développa la production agricole et transforma Méjanes en centre touristique et culturel. Pendant la Seconde Guerre mondiale, confronté aux restrictions et souhaitant préserver ses salariés, Paul Ricard transforma l'entreprise en exploitation agricole laitière, produisant jusqu'à 2 500 litres de lait par jour, et reconvertit son personnel en maçons, éleveurs et ouvriers agricoles. Il fit également réaliser des aménagements dans le logis, comme la cheminée et les installations du séjour, et il fit probablement transférer dans la cour une croix monumentale portant la date 1613. À partir du milieu du XXe siècle l'exploitation privilégie une polyculture axée sur le riz, avec un équipement agricole important comprenant notamment des avions et des hélicoptères pour les semis, ainsi que l'élevage des races camarguaises — taureaux et chevaux. Le site, désormais connu sous le nom de Domaine Paul‑Ricard, accueille un pôle touristique intégrant promenades à cheval, sentier pédestre, petit train, kiosque souvenir, deux restaurants (Le Méjanes et Le Mazet du Vaccarès) et des arènes. Les arènes, édifiées par Paul Ricard et inaugurées le 3 juillet 1955, sont un haut lieu des jeux gardians et taurins ; elles accueillent notamment des manifestations comme le Réjon d'Or et sont inscrites à l'Inventaire des monuments historiques et des bâtiments protégés des Saintes‑Maries‑de‑la‑Mer. Paul Ricard a légué Méjanes à sa fille Michèle ; depuis les années 1970 la famille Guillot assure la continuité du domaine aux côtés de la famille Ricard, et depuis 2020 la gestion repose uniquement sur Michèle Ricard et la famille Guillot après l'arrêt du financement par la société Ricard. Le Mas de Méjanes conserve ainsi une architecture aux strates chronologiques visibles, un patrimoine paysager du delta du Rhône et une vocation mêlant agriculture extensive, protection des traditions camarguaises et accueil touristique.