Période
1er quart XXe siècle, 2e quart XXe siècle
Patrimoine classé
Le mémorial des batailles de la Marne, en totalité, y compris la sacristie et la maison du gardien, la galerie du cloître, l'ossuaire avec sa chambre de recueillement, la lanterne des morts, le cadran solaire et la table d'orientation ainsi que les rampes et les escaliers d'accès au monument, son mur de soutènement, sa terrasse et l'allée périphérique, tel que délimité en rouge sur le plan annexé à l'arrêté (cad. BE 332) : classement par arrêté du 3 juin 2019
Origine et histoire du Mémorial des battailles de la Marne
Le Mémorial a été créé en mémoire des batailles de la Marne de septembre 1914 et juillet 1918. Construit entre 1921 et 1931, il a été porté par un comité présidé par la duchesse d'Estissac (comtesse de La Rochefoucauld) et associé au cardinal Luçon, à Monseigneur Tissier et au maréchal Foch, qui choisit le site dominant la vallée de la Marne et la ville de Dormans. Ce monument néo‑gothique réunit des fonctions religieuses et militaires et mobilise des artistes renommés du début du XXe siècle pour son décor sculpté, ses vitraux et son mobilier. Implanté dans le parc du château de Dormans, il figure parmi les quatre monuments nationaux dédiés à la Première Guerre mondiale, avec l'ossuaire de Douaumont, Notre‑Dame de Lorette et le Hartmannswillerkopf.
L'initiative remonte à 1919 : une association fut déclarée le 18 juin 1919, l'emplacement béni le 18 juillet 1919 et la première pierre posée le 18 juillet 1920. Longtemps entretenu et animé par les pères salésiens, le Mémorial a été ensuite desservi puis, après leur départ dans les années 1980, a connu une période de délaissement. La commune est aujourd'hui propriétaire des murs et l'association "Mémorial de Dormans 1914‑1918", principalement composée de bénévoles, assure le maintien du devoir de mémoire en s'orientant de plus en plus vers les jeunes générations. Le site a reçu plusieurs reconnaissances patrimoniales : labellisé "Patrimoine du XXe siècle" en 2014, inscrit au titre des monuments historiques en 2017 et classé en juin 2019.
Le monument s'élève à 52 mètres et, perché au sommet d'une colline, se situe à 117 mètres au‑dessus de la Marne ; un chemin de ronde autour du clocher offre un large panorama sur la vallée et les champs de bataille. L'architecture, d'inspiration néo‑gothique, combine une apparence militaire — tour carrée crénelée et murs percés de meurtrières — et une organisation liturgique avec chœur, transept et croisée ; elle évoque la tradition des moines‑soldats du Moyen Âge. L'ensemble comprend une crypte, une chapelle supérieure, un cloître et un ossuaire, et fait l'objet d'une forte symbolique manifeste dans les piliers, la statuaire et les verrières ; les architectes successifs furent Alexandre Marcel puis Georges Alexandre Closson.
La façade, dédiée au Christ‑Roi et surmontée de saint Michel terrassant le dragon, ouvre directement sur la crypte et la chapelle supérieure, deux espaces dont l'opposition symbolique est soigneusement traitée. La crypte, à demi enterrée, privilégie le recueillement : sarcophage, pierres gravées au nom des morts et une grille en fer forgé réalisée par Raymond Subes contribuent à son atmosphère funèbre. Pourtant la crypte annonce déjà la chapelle supérieure par des figures d'espérance : à droite de l'autel les anges du Te Deum, à gauche le groupe portant le De Profundis. Deux vitraux commémorent également les deux prélats du comité fondateur.
La chapelle supérieure, conçue comme une transition entre le deuil et la joie, s'ouvre sur une verrière monumentale de sept mètres réalisée par Charles Lorin d'après un carton de Louis Piebourg, où sainte Jeanne d'Arc et saint Michel présentent un "poilu" au Christ glorieux. Cette grande verrière, traitée dans un esprit Art déco, porte une inscription latine signifiant "Je garderai tous ceux qui dorment et j'illuminerai tous ceux qui espèrent dans le seigneur", tandis que d'autres vitraux présentent les armoiries des provinces, les saints patrons des armées et les vierges du front ; la coupole est éclairée par trente‑deux fenêtres. Les quatre piliers de la chapelle commémorent la chevauchée vers Reims, la bataille de Poitiers (732), les deux batailles de la Marne et la bataille des champs catalauniques. La statuaire, œuvre de Firmin Michelet, rassemble des saints locaux et nationaux ainsi que des figures de la Grande Guerre, dont le maréchal Foch figuré sous les traits de Jean de Montmirail et saint Remi sous ceux du cardinal Luçon. L'intérieur comporte également un narthex vitré, la croisée du transept ornée de la Croix de guerre et un musée.
Pour atteindre l'ossuaire on passe au pied d'une lanterne des morts, symbole à la fois de lumière et de souvenir. Sous le cloître est inscrit l'organigramme des armées engagées lors des deux batailles de la Marne. L'ossuaire contient les restes de 1 360 soldats de toutes armées confondues ; seuls dix ont pu être identifiés de façon précise et une plaque récente reproduit leurs identités. Le clocher sert enfin de point géodésique pour l'IGN, inscrit au réseau NTF d'ordre 5.