Origine et histoire du Menhir dit Le But de Gargantua
Le site mégalithique de Changé, dit site archéologique de Saint‑Piat, se situe à la limite des communes de Saint‑Piat et de Maintenon, dans le département d'Eure‑et‑Loir. Il réunit quatre monuments néolithiques alignés sur un même axe : trois dolmens — la Grenouille, le Petit et le Berceau — et le menhir appelé Le But de Gargantua. Le site est partiellement réutilisé par les Gaulois à l'Âge du bronze, puis par les Mérovingiens aux Ve–VIe siècles. Le dolmen du Berceau et le menhir Le But de Gargantua ont été classés monuments historiques en 1974. Il s'agit de la plus importante concentration de mégalithes du département. Les fouilles et sondages ont été menés par Léon Petit dans les années 1924–1927, par Michel Souty en 1975–1976, puis de façon systématique par l'équipe de Dominique Jagu à partir de 1983. Des prospections, photographies aériennes et études microtopographiques et électromagnétiques montrent qu'au moment de leur édification les monuments occupaient une presqu'île à la confluence de l'Eure et d'un de ses affluents, entre 3 500 et 4 500 av. J.-C. Les dalles employées pour les constructions proviennent du site et d'un banc de grès situé à 4 km. Les dolmens Petit et du Berceau, implantés côte à côte, couvrent chacun une surface d'environ 6 m2. Découvert en 1924 par Léon Petit, le dolmen Petit est de forme semi‑circulaire et était recouvert d'un cairn de gros blocs calcaires ; son entrée était obturée par un bouchon et le sol de la chambre pavé de plaquettes calcaires soigneusement ajustées. Le dolmen du Berceau est surmonté d'une dalle de couverture en grès monumentale, désormais brisée et pesant près de 30 tonnes ; son entrée orientée sud‑est est encadrée par deux orthostates et le sol intérieur est également dallé. Lors des fouilles de Petit, une douzaine de squelettes furent mis au jour dans le dolmen Petit, dont un individu portant un collier formé de 23 canines de renard perforées ; des ossements et des crânes de chiens furent également retrouvés. Deux datations par Tandétron situent l'utilisation du dolmen Petit entre 3 770 et 4 498 av. J.-C. Dans le dolmen du Berceau, les orthostates du fond portent des gravures par piquetage figurant des haches et des idoles, et l'absence de restes osseux laisse supposer un usage cérémoniel plutôt que funéraire. Après une première phase d'utilisation de 100 à 200 ans, le site connaît une transformation : le cairn du dolmen Petit est démonté et ses blocs redisposés en cercle à environ 2 m de la chambre, un fossé semi‑circulaire de 3 m de largeur et 0,60 m de profondeur est creusé autour des deux dolmens, et la table de couverture du dolmen Petit est dressée verticalement comme menhir à 6 m du fossé. Des charbons prélevés dans le fossé ont été datés par C14 entre 4 350 et 2 600 av. J.-C. Les orthostates furent raccourcis par débitage, l'un d'eux déplacé hors de la chambre qui disparaît alors sous un tumulus de sable et de gravier de rivière, tandis que le dolmen du Berceau reste intact. L'ensemble est entouré d'un cercle de pierres formé de gros moellons de silex, large d'environ 3 m et reposant sur le fossé comblé, et des calages de poteaux suggèrent l'existence possible d'une structure surmontant ce cercle. L'installation d'un atelier de taille de silex est attestée par la présence de milliers de fragments et des tessons de poteries du type chasséen. Dans une phase finale, un pilier du Berceau est retiré et la dalle de couverture brisée en deux, donnant au monument son aspect actuel et son nom ; la dalle issue du dolmen Petit, dressée antérieurement, est alors renversée et l'ensemble du site recouvert d'un tumulus d'environ 30 m de diamètre. Des photographies aériennes au nord du But de Gargantua ont mis en évidence de nombreux fossés et enclos interprétés comme vestiges de parcellaire et de fanums gaulois. Près de l'entrée du dolmen du Berceau, une fosse contenant des tessons de céramique de La Tène D, des ossements d'animaux (porcs, moutons, chèvres, bovins, chevaux) et des pièces monétaires a permis de dater une occupation de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. Aux Ve–VIe siècles, les Mérovingiens aménagèrent une vaste nécropole de près d'une centaine de tombes creusées dans le tumulus, généralement des fosses rectangulaires ou oblongues délimitées par des blocs, où les défunts étaient déposés en cercueil de bois parfois entouré d'un linceul, les bras le long du corps et la tête majoritairement orientée à l'ouest. L'étude anthropologique des sépultures mérovingiennes indique une légère prédominance de femmes et une très faible représentation des jeunes enfants. Au Moyen Âge, une exploitation de sables et de graviers s'installe à l'ouest du tumulus et sert également à réinhumer des squelettes datés du Haut‑Empire découverts lors des travaux. Le dolmen de la Grenouille figure parmi les monuments alignés mais n'est pas décrit plus en détail dans les sources présentées.