Origine et histoire
La mosquée de Tsingoni, située sur la Grande-Terre de Mayotte, est la plus ancienne mosquée en activité de France. Son implantation remonte au moins au XIVe siècle, l'INRAP ayant mis en évidence une occupation du site dès le XIIIe siècle. Un édifice cultuel est signalé dans les sources dès 1521 et le mihrab actuel a été érigé en 1538 par le sultan shirazien Ali ben Mohamed dit « Haïssa », époque où Tsingoni était capitale et la mosquée qualifiée de royale. Proche de la mer et protégée par un éperon rocheux, la ville possédait autrefois un port actif et un rempart en terre marquant l'emplacement de la vieille ville. La mosquée a échappé aux razzias qui détruisirent une grande partie de la ville entre 1790 et 1820, puis a fait l'objet de restaurations au milieu du XIXe siècle. L'édifice d'origine, construit en pierres de corail et chaux corallienne avec des poutres en palétuvier et un toit-terrasse typique de l'architecture swahilie, a été intégré dans des extensions successives depuis les années 1980. Plusieurs éléments anciens subsistent, en particulier le mihrab sculpté en blocs de corail, la porte nord et certains piliers, ainsi que des cimetières extérieurs comportant des mausolées shiraziens. Le mihrab, reconnu comme l'élément le plus remarquable, présente des décors géométriques sculptés, une baie surmontée d'arcs et une voûte coffrée ; des inscriptions découvertes en 2006 ont confirmé la datation de 1538 et le commanditaire sultanial. Le mimbar originel en bois aurait disparu lors des conflits avec les Malgaches, un exemplaire semblable étant conservé dans la mosquée de Domoni. Les extensions du XXe et du XXIe siècle, motivées par la fréquentation, ont inclus la construction d'un patio en 1986, d'un minaret livré en 1991 et d'une nouvelle salle de prière en 2003-2004 ; l'extension de 2004 a introduit, pour la première fois, un étage destiné aux femmes. Le minaret de 1991 a vu ses motifs sommitaux retirés en raison de leur poids excessif et a fait l'objet d'une inscription spécifique comme monument historique en 2017. La mosquée et les mausolées shirazi, ainsi que le sol du site, ont été inscrits aux monuments historiques en 2012 puis classés en 2015, à l'exclusion des extensions récentes en béton lors de la première inscription. À partir de 2014, un comité de pilotage local a été constitué et des études de restauration ont été lancées, avec un programme architectural et technique confié à un architecte en chef des Monuments historiques et un soutien du Loto du patrimoine en 2019. Des opérations archéologiques préventives ont prolongé les diagnostics de 2016, notamment par une fouille confiée à l'INRAP menée en 2023 afin d'éclairer l'évolution du bâtiment et d'effectuer une archéologie du bâti. Le parti de restauration privilégie la conservation maximale des matériaux d'origine et la restitution de dispositifs historiques disparus tout en respectant les différentes strates du monument. Dans ce cadre, des adjonctions en parpaing seront supprimées pour retrouver l'aspect ancien du mur de qibla et la loge du muezzin ; la baie nord obstruée sera rouverte pour rétablir la ventilation naturelle. Les enduits ciment appliqués entre 1980 et 2005 ont été éliminés et remplacés par des mortiers et enduits à base de chaux corallienne ou NHL 3,5, selon un protocole précis, afin de préserver les maçonneries en corail et en grès de plage. La restauration prévoit également la remise en état de la toiture, la mise hors d'eau de l'édifice et l'abaissement du sol intérieur pour restituer le niveau historique d'accès. Le projet, piloté par la mairie de Tsingoni, est financé en partie par la DAC Mayotte au titre du Plan de Relance et comprend l'aménagement des abords et la coordination des travaux sous maîtrise d'œuvre locale. La mosquée de Tsingoni reste un foyer religieux majeur et un symbole du patrimoine de Mayotte, figurant également sur des émissions philatéliques et numismatiques représentant le département.