Origine et histoire du Mobilier national
Construit de 1935 à 1937 par les frères Auguste et Gustave Perret sur les anciens jardins potagers de la manufacture des Gobelins, le bâtiment du Mobilier national a été conçu pour abriter le garde-meuble de l'État. Il illustre les principes du « modernisme classique » d'Auguste Perret : une composition symétrique autour d'une cour carrée précédée d'une colonnade côté classique, et un fonctionnalisme rationnel des espaces de restauration et d'entreposage avec éclairage zénithal côté moderne. Le béton armé, sablé sur les façades pour laisser apparaître des éclats de grès rose, participe à ce parti architectural. Institution publique culturelle, le Mobilier national dépend de la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et est l'héritier du Garde‑Meuble de la Couronne. Les manufactures nationales de textiles et les ateliers-conservatoires de dentelles lui ont été rattachés au XXe siècle après son déménagement près des Gobelins, et depuis 2025 il est intégré à l'établissement public Manufactures nationales - Sèvres & Mobilier national. Il gère le mobilier de l'État : ameublement des ministères et ambassades, stockage, restaurations et conception, notamment via son Atelier de recherche et de création (ARC).
À l'origine, la gestion du mobilier royal répondait à la nécessité d'équiper une cour itinérante ; valets de chambre et tapissiers en assuraient progressivement l'intendance, donnant naissance au Garde‑Meuble royal institué en 1604 puis réorganisé en Garde‑Meuble de la Couronne. Supprimée à la Révolution, l'administration renaît sous diverses appellations avant de prendre le nom de Mobilier national après 1870. Installé de 1852 à 1937 au 103 quai d'Orsay, il disposait alors d'un musée présenté au public certains jours de la semaine et fit l'objet de catalogues et d'inventaires à la fin du XIXe siècle. En 1937 il quitte le quai d'Orsay pour son nouveau bâtiment près des Gobelins. Au cours du XXe siècle et au-delà, son statut administratif a évolué : rattachements ministériels, création d'un service à compétence nationale en 2003, puis transformation en établissement public à caractère administratif en 2022 par le décret n°2021-1890. En 2020 il a lancé une campagne d'acquisitions, accompagnée pendant le premier confinement d'un appel à propositions pour soutenir le design.
Le Mobilier national a pour mission de meubler et de prêter des pièces aux bâtiments officiels de la République, dont le Palais de l'Élysée, l'hôtel de Matignon, certains ministères et ambassades. Sa collection compte plus de 200 000 objets, du XVIIe siècle à nos jours, dont 75 000 présentent une valeur patrimoniale et plusieurs milliers sont considérés comme prestigieux ou précieux ; le service conserve aussi des drapeaux étrangers utilisés lors de réceptions officielles. La conservation et la restauration sont assurées au sein de sept ateliers d'art couvrant la restauration de tapisseries et de tapis, la tapisserie d'ameublement et de décor, la menuiserie siège, l'ébénisterie et la lustrerie-bronze; l'établissement conserve également des dessins et des archives. L'ARC, créé en 1964 à l'initiative d'André Malraux, témoigne de son engagement dans la création contemporaine. Sa mission de médiation culturelle prend la forme d'expositions et d'actions publiques, et ses principales attributions sont codifiées par décret depuis 1980.
Plusieurs manufactures nationales ont été rattachées au Mobilier national : la manufacture de tapisserie de Beauvais en 1935, les manufactures des Gobelins et de la Savonnerie en 1937 (la Savonnerie ayant été réunie aux Gobelins en 1825 et disposant aussi d'un établissement à Lodève depuis 1967), et, en 1976, les ateliers nationaux de dentelle d'Alençon et du Puy‑en‑Velay.
La tenue des inventaires et le récolement constituent une mission ancienne : les premiers inventaires connus remontent à l'époque de Colbert et le récolement fonctionne aujourd'hui avec des outils informatiques depuis les relevés entrepris à partir de 1950. La vérification régulière de la présence physique des biens prêtés — environ 180 000 prêts — vise à prévenir les disparitions. Les observations de la Cour des comptes et les travaux menés depuis la fin des années 1990 ont mis en évidence des irrégularités, conduisant à la création d'une commission de récolement (CRDOA) et à des inventaires approfondis qui ont signalé d'importantes pertes d'objets. Des cas de disparition et de mise sur le marché d'objets provenant d'ambassades ont également été relevés.
Le dépôt principal se trouve au 1 rue Berbier‑du‑Mets, dans le 13e arrondissement de Paris, dans le bâtiment en béton armé conçu par les Perret ; l'entrée principale donne sur la place en Hommage‑aux‑Femmes‑Victimes‑de‑Violences, près du square René‑Le Gall. La succession des intendants, gardes généraux et administrateurs, documentée par les almanachs officiels, dossiers et études, retrace l'histoire administrative de l'institution ; depuis le 12 février 2018 Hervé Lemoine en est le directeur, devenu président le 1er janvier 2022, et Emmanuel Pénicaut est directeur des collections depuis 2021.