Origine et histoire du monument aux Girondins
Le Monument élevé à la mémoire des Girondins se dresse au centre de l'extrémité occidentale, en hémicycle, de la place des Quinconces à Bordeaux. Projeté dès 1881, conçu par le sculpteur Dumilâtre et réalisé sous la direction de l'architecte Victor Rich entre 1893 et 1902, il mesure cinquante mètres. Il se compose d'une imposante colonne à chapiteau corinthien surmontée d'une statue en bronze représentant le Génie de la Liberté brisant ses fers, et d'un large socle encadré de deux bassins-fontaines. Vers l'esplanade, la Tribune présente le coq gaulois flanqué de L'Histoire et de L'Éloquence ; en vis-à-vis, la figure assise de la Ville de Bordeaux domine les allégories fluviales de la Garonne et de la Dordogne. Les bassins accueillent deux groupes monumentaux en bronze : Le Triomphe de la République, côté Grand Théâtre, et Le Triomphe de la Concorde, côté Jardin Public, complétés par des scènes allégoriques au pied des chars.
Dès 1868, un premier projet de monument par l'architecte Julien Guadet pour la place Dauphine (actuelle place Gambetta) fut présenté au Salon de Paris en 1870 mais n'aboutit pas. En 1881, le conseil municipal décide d'ériger un monument en mémoire des députés girondins, et un concours est ouvert en 1887; le premier prix est attribué en 1888 à Jules Labatut et Pierre Esquié, mais le projet retenu après révision fut celui présenté sous le nom de Gloria victis par Dumilâtre et l'architecte Henri Deverin, repris ensuite par Dumilâtre et Victor Rich. Parallèlement, une fontaine monumentale commandée à Bartholdi ne fut pas acquise par Bordeaux et achetée par Lyon, ce qui conduisit la municipalité à regrouper les projets et à concevoir un monument-fontaine place des Quinconces, avec l'adjonction de deux bassins. L'emplacement choisi correspond à l'intersection de l'axe longitudinal de la place et du prolongement du cours du XXX-Juillet; les crédits sont votés le 14 novembre 1893 et les travaux commencent en 1894 pour s'achever en 1902.
Le projet ne fut toutefois pas entièrement réalisé : deux groupes de statues représentant huit députés girondins ne furent jamais exécutés ; ces groupes devaient rassembler, d'un côté, Vergniaud, Buzot, Pétion et Barbaroux, et de l'autre, Guadet, Gensonné, Grangeneuve et Boyer-Fonfrède. Pour mener à bien la statuaire, Dumilâtre fit appel à la collaboration de sculpteurs comme Félix Charpentier et Gustave Debrie et à plusieurs fonderies d'art, dont Denonvilliers, Leblanc-Barbedienne, Durenne et le Val d'Osne.
En septembre 1942 est décidée la mise au rebut des ornements en bronze dans le cadre de la mobilisation des métaux non ferreux ; le déboulonnage commence à partir de mi-août 1943 et les pièces sont expédiées à la fonderie Savigner à Angers, où le fondeur les conserve puis les restitue à la ville le 5 juillet 1945. Les bronzes sont entreposés puis déplacés à l'avenue du docteur Schinazi ; une association formée en 1968 réclame leur réinstallation et, après une campagne de presse, ils sont finalement remis en place en 1983. Une statuette figurant la Liberté, l'Égalité et la Fraternité, posée sur la sphère tenue par la statue assise de la fontaine sud, a disparu, vraisemblablement volée.
En 1989 une plaque commémorative portée au monument égrène les noms de huit députés girondins choisis parmi ceux ayant été députés du département de la Gironde ; le choix diffère du projet initial et remplace Barbaroux, Buzot et Pétion par François Bergoeing, Jean-François Ducos et Jacques Lacaze. Sept des députés inscrits sur la plaque ont été exécutés ; François Bergoeing, lui, mourut naturellement à Bordeaux en 1829. Le monument a été inscrit aux monuments historiques le 8 juillet 2004 et classé le 16 mars 2011, le classement ayant été approuvé par le conseil municipal le 25 octobre 2010.
L'ensemble sculptural, œuvre de Dumilâtre et de l'architecte Victor Rich, a parfois suscité des critiques locales : certains observateurs ont jugé ses proportions maladroites et la symbolique de la statue sommitale discutable.