Origine et histoire
Le monument aux morts de Banyuls-sur-Mer, œuvre du sculpteur Aristide Maillol, se présente comme une composition architecturale en pierre en trois parties. Il était à l'origine placé sur l'Illa Grossa, un promontoire rocheux face à la mer, avant d'être déplacé en 1989 pour le protéger des intempéries et remplacé sur le site maritime par une copie en bronze. Depuis 1989, l'original en pierre est installé place Dina-Vierny, en centre-ville, à quelques décamètres de la plage et abrité des embruns par les bâtiments de la mairie et de la poste. Banyuls-sur-Mer se situe sur la côte Vermeille, où la baie s'ouvre entre le cap d'Ona et l'Illa Grossa, le chemin piétonnier devant le laboratoire Arago menant à ce promontoire qui offre une vue panoramique sur la mer et la réserve naturelle de Cerbère-Banyuls.
Le monument est un mur sculpté en marbre gris de La Palme mesurant 560 cm de large, 190 cm de haut et 100 cm de profondeur, dont la façade se compose d'une partie centrale encadrée par deux avancées rectangulaires plus étroites. Au centre, en haut-relief, figure le Guerrier mourant : un soldat nu, casqué, allongé, reposant sur son coude droit et tenant un glaive dans la main droite, la main gauche posée sur des genoux repliés. Les panneaux latéraux, en bas-relief, représentent des femmes vêtues à la manière catalane ; à gauche, une femme assise en pleurs est consolée par une autre femme debout, tandis qu'à droite trois jeunes femmes avancent en tenant des couronnes de laurier.
Devant la copie en bronze placée sur l'Illa Grossa une plaque porte l'inscription « Monument aux Morts Oeuvre d'ARISTIDE MAILLOL 1861 - 1944 » ; cette version ne comporte pas de noms. L'original urbain présente, autour de la figure centrale, deux plaques gravées du titre « A NOS MORTS 1939 - 1945 » accompagnées chacune d'une liste de douze noms, la plaque de gauche ajoutant après un trait trois noms avec le sous-titre AFN. Les rebords intérieurs des avancées sont inscrits : à gauche « A NOS MORTS » suivi d'une liste, à droite « 1914 - 1918 » suivi d'une autre liste, et la liste des morts de 1914-1918, complétée par seize noms oubliés lors de l'érection du monument, est également gravée sur une plaque du cimetière communal.
Antérieurement, la commune possédait déjà un monument commémorant les combats de 1793 et l'armée des Pyrénées-Orientales : une colonne quadrangulaire en pierre placée devant la mairie et ornée du portrait d'André Rocaries coiffé d'une barretina, décorée de feuilles de laurier et de palmes. Maillol, natif de Banyuls, s'était orienté vers la sculpture vers 1895 et, profondément marqué par la Première Guerre mondiale, il réalisa gratuitement plusieurs monuments aux morts dans son département natal, notamment à Elne, Céret, Port-Vendres et Banyuls-sur-Mer. Le monument de Banyuls fut exécuté d'après un modèle en plâtre par un tailleur de pierre, achevé en 1932 et inauguré sur l'Illa Grossa l'année suivante ; sa construction coûta 52 000 francs en matériaux et frais, Maillol travaillant gratuitement.
Pendant l'Occupation, le monument fut recouvert d'une toile goudronnée qui tacha la pierre au soleil ; Maillol participa, autant qu'il le put, aux réparations et l'œuvre fut restaurée en septembre 1944, peu avant la mort de l'artiste. En 1989, Dina Vierny et la commune financèrent la restauration et le déplacement de la sculpture, qui fut remplacée sur le promontoire par un moulage en bronze. Une association locale retrouva seize soldats « oubliés » et une plaque commémorative regroupant les 108 noms des morts de la commune fut inaugurée dans le cimetière le 11 novembre 2016. L'original en pierre a été inscrit au titre des monuments historiques le 18 octobre 2018.
Dans l'œuvre de Maillol, la figure centrale du Guerrier mourant est exceptionnelle par le nu masculin, rare chez cet artiste surtout connu pour ses corps féminins ; elle évoque à la fois son fils Lucien et les soldats tombés au front. Les bas-reliefs latéraux respectent l'iconographie funéraire traditionnelle en montrant le deuil des mères, épouses et filles, Maillol simplifiant les formes pour exprimer une douleur retenue plutôt que des gestes emphatiques. L'artiste souhaitait que le monument soit regardé avec la mer et la ligne d'horizon, et il voyait dans la simplicité et l'absence de détails un moyen de conférer à l'œuvre une portée intemporelle. Plusieurs contemporains et commentateurs ont souligné la grandeur et la puissance expressive de cette composition triptyque, conçue pour dialoguer avec le paysage marin.
