Origine et histoire du Monument de la Clairon
Claire Josèphe Hippolyte Lérie de Latude, dite Hippolyte Clairon, est l'une des grandes tragédiennes du XVIIIe siècle, née à Condé en 1723 et décédée à Paris en 1803. Elle voit le jour rue Saint‑Christophe le 25 janvier 1723, fille illégitime de Marie‑Claire Scanapiecq, couturière‑lingère, et de François‑Joseph Leris, sergent au régiment de Mailly, et quitte Condé dès sa prime jeunesse. Sa carrière de comédienne commence en 1738 et, de 1743 à 1766, elle est membre de la Comédie‑Française où elle se distingue comme tragédienne, illustrant particulièrement les rôles écrits par Voltaire, qui la considère comme sa meilleure interprète dans le registre tragique. Son regard critique sur le métier contribue à faire évoluer l'art dramatique et les conventions du costume de scène. À la fin du XIXe siècle, sa ville natale décide d'ériger un monument en son honneur, placé face au théâtre. Plusieurs sculpteurs se proposent pour la réalisation, parmi lesquels Joseph Carlier et Léonie (?) Duquesnoy, et un projet antérieur du statuaire Jules‑Louis Mabille n'est pas réalisé en raison du décès de l'artiste. La commande est finalement confiée à l'architecte Henri Guillaume et au sculpteur Henri Gauquié, qui présentent un modèle au Salon de la Société des Artistes Français en 1898. Une représentation au profit du monument est donnée au Trocadéro par des comédiens de la Comédie‑Française menés par Mounet‑Sully et Coquelin cadet. Le monument, un buste en pierre sculpté par Henri Gauquié, est inauguré le 18 août 1901 à Condé‑sur‑l'Escaut. La réalisation, dont le coût total s'élève à 7 682 francs (fêtes d'inauguration comprises), est financée par des subventions publiques, une souscription et une tombola. Le ministère de l'Instruction publique et des Beaux‑Arts accorde 1 500 F, la ville de Condé 250 F complétés par 1 800 F pour les festivités, la ville de Valenciennes 300 F, et la souscription avec la tombola rapportent 1 871,50 F ; le tirage de la tombola a lieu le 11 août 1901. Les lots offerts comprennent des œuvres d'art de Carolus‑Duran, Jean‑Baptiste Carpeaux, Léon Comerre, Henri Harpignies, Jules Léonard, Henry‑Eugène Delacroix, Henri Gauquié et Albert Guillaume. Jules Clarétie assume la présidence d'honneur du comité de souscription et le comité de patronage réunit, sous sa présidence, des personnalités artistiques et politiques telles que Carolus‑Duran, Henri Harpignies, Paul Marmottan et Mounet‑Sully. Le jardinet et la clôture destinés à isoler et mettre en valeur le monument sont dessinés par l'architecte Edmond Lemaire, qui produit des plans et un devis en 1902‑1903 ; l'adjudication est attribuée à Charles Preusse le 16 avril 1903 et la réception des travaux a lieu le 31 janvier 1904. La grille finalement réalisée, marquée par l'Art Nouveau, diffère sensiblement du projet initial, plus conventionnel, et le jardinet a connu plusieurs réaménagements depuis 1901. L'association entre Henri Guillaume et Henri Gauquié s'inscrit dans une pratique de collaboration déjà éprouvée par les deux artistes sur d'autres réalisations. L'érection du monument suscite par ailleurs une polémique relative aux mœurs de Mademoiselle Clairon. Le monument de la Clairon, buste en pierre sculpté par Henri Gauquié et installé à Condé‑sur‑l'Escaut, est inscrit dans son intégralité aux monuments historiques par arrêté du 5 février 2007.