Origine et histoire du Moulin
Le Moulin de la Galette désigne en réalité deux moulins de la butte Montmartre, le Blute-fin, situé rue Lepic, et le Radet, à l’angle de la rue Lepic et de la rue Girardon, qui ont servi de cadre à un célèbre bal ouvert par la famille de meuniers Debray depuis le XIXe siècle. Ces deux moulins, et parfois un troisième dit de la Poivrière, s’élèvent sur un petit tertre qui présente des vestiges d’occupations anciennes et qui a été associé aux appellations latines mons Martis ou mons Martyrum. L’édifice qui deviendra connu sous le nom de moulin de la Galette apparaît dans les sources en 1622 sous l’appellation « moulin du Palais ».
Le Blute-fin, revendiqué par la famille Debray comme datant de 1295 mais évoqué aussi comme construit vers 1621-1622, tire son nom du verbe « bluter », qui renvoie au tamisage de la farine ; il a fait l’objet de nombreuses campagnes de restauration et appartient à la famille Debray depuis 1809. Intégré aujourd’hui dans une propriété privée, le Blute-fin reste le dernier moulin de la butte en état de fonctionnement mais n’est pas ouvert au public.
Le Radet, anciennement appelé « moulin Chapon » et cité sous diverses implantations, a été démonté et déplacé à plusieurs reprises avant d’être acquis par Nicolas‑Charles Debray en 1812 alors qu’il se trouvait en mauvais état ; à partir de 1834 il est transféré dans l’enceinte de la ferme Debray et transformé en guinguette, puis sauvé de la démolition en 1915, démonté et replacé rue Girardon, enfin vidé de son mécanisme en 1924 pour devenir un élément publicitaire installé sur le toit d’un restaurant.
La famille Debray, meuniers pour les religieuses de l’abbaye de Montmartre depuis le XVIe siècle, exploitait les deux moulins pour produire une farine réputée et utilisait aussi ces installations pour presser les vendanges, concasser des épices ou broyer des matériaux destinés aux manufactures jusqu’aux années 1870. Au début du XIXe siècle, Nicolas‑Charles Debray aménage une taverne qui, avec la transformation progressive du pain et du lait servis aux visiteurs en pâtisserie et en vin, donne naissance au « Bal Debray », établissement qui deviendra le Moulin de la Galette et sera officiellement désigné sous ce nom en 1895.
Le bal, d’abord tenu en plein air entre les deux moulins puis transféré dans une grande salle ornée de lustres et de palmiers, accueille dès les années 1830 une clientèle populaire qui vient danser et consommer galettes et boissons, et il fonctionne d’abord le dimanche avant d’ouvrir plusieurs jours par semaine lorsque l’activité meunière cesse. L’orchestre, auquel participa notamment Auguste Bosc dans les années 1880, accompagne des danses variées — polka, quadrille, chahut, cancan — et voit apparaître des interprètes qui deviendront célèbres du French‑cancan, comme la Goulue et Valentin le Désossé.
Le Moulin de la Galette attire aussi de nombreux artistes et devient un motif récurrent des arts visuels : Renoir y peint son célèbre Bal du moulin de la Galette, Van Gogh et Picasso figurent le site, et d’autres peintres tels que Toulouse‑Lautrec, Signac, Utrillo, Van Dongen, Ramon Casas, Isaac Israëls ou Louis Vivin l’ont représenté à leur manière ; la plateforme du Blute‑fin, aménagée comme point de vue, permet d’identifier le moulin sur de nombreuses œuvres et photographies anciennes.
Le lieu a connu des usages variés au XXe siècle : salle de dancing et de music‑hall, studio d’émissions radiophoniques et télévisuelles, puis restauration et animation festive ; le moulin et ses terrains ont été inscrits au titre des monuments historiques par un arrêté du 5 juillet 1958, et le Blute‑fin a fait l’objet d’une restauration en 1978, avec une rénovation des ailes en octobre 2001. Aujourd’hui, le Blute‑fin se situe au 75‑77 rue Lepic et le Radet à l’angle des 83 rue Lepic et 1 rue Girardon ; les deux conservent pour les Parisiens et les visiteurs la légende montmartroise du « moulin de la Galette ».
Une légende liée aux combats du 30 mars 1814 entoure la famille Debray : selon plusieurs versions, un meunier Debray aurait été tué lors d’affrontements avec des troupes russes et son corps mutilé, récit que complètent des traditions familiales et locales ; la tombe Debray existe au cimetière Saint‑Pierre de Montmartre et porte une inscription rappelant un décès le 30 mars 1814.
Le site a également inspiré la chanson populaire, mentionné par des interprètes comme Lucienne Delyle et cité par Georges Brassens, et demeure un lieu de mémoire mêlant histoire, légende, arts et convivialité montmartroise.