Origine et histoire du moulin de Lucy
Le moulin de Lucy est situé sur la commune de Ribemont, sur le cours principal de l'Oise, au hameau de Lucy. Le bâtiment, édifié sur cinq niveaux, est construit en briques cuites au bois de teinte rose et repose sur une armature et une charpente en chêne. Les murs, épais de 80 cm à la base et de 60 cm aux sablières, sont percés de quatre-vingt-dix fenêtres en arc dont les appuis sont en pierre bleue des Ardennes. Le barrage associé comprend trois vannes usinières et sept vannes de décharge, actionnées par des crics à crémaillère et ouvrant sur deux radiers en pierre bleue fondés sur pieux de chêne. Le niveau amont est fixé par règlement à la cote 67,79 m NGF et est maintenu, sur environ deux kilomètres en amont, par deux ouvrages : un déversoir de 21 mètres auquel sont accolées trois vannes ouvrant sur le bras de décharge, et l'ensemble des sept vannes situées au moulin. Ces dix vannes servent à évacuer les débits excédentaires lors des crues et sont manœuvrées manuellement à l'ouverture dès que le niveau amont dépasse la retenue légale, puis à la fermeture quand il devient inférieur. La force motrice actuelle provient d'une turbine hydraulique de type Francis à axe vertical, de 2 mètres de diamètre et d'une capacité de 6 m3/s, tournant à 30 tr/min sous une hauteur de chute de 1,60 m, montée en chambre d'eau ouverte ; elle a été installée vers 1900 à la place de la roue à aubes d'origine, qui mesurait 5 m de large pour 6 m de diamètre. Cette turbine entraîne, au moyen d'un renvoi d'angle à alluchons en bois et d'un multiplicateur de vitesse à courroies plates, un alternateur hexapolaire de 40 kW fournissant un courant triphasé de 220 volts. Elle est protégée par deux grilles qui retiennent les flottants et permettent leur extraction de la rivière. Le droit d'eau, fondé en titre, a été redéfini lors de la construction du canal de la Sambre à l'Oise par un arrêté préfectoral qui fixe le règlement d'eau des usines hydrauliques situées sur l'Oise entre Macquigny et Beautor. Le niveau aval peut varier de plus de deux mètres selon les fluctuations du débit de la rivière, qui passe de quelques mètres cubes en étiage à plus de 100 m3/s en crue. Ces variations interviennent environ 24 heures après les pluies sur la Thiérache, bassin versant de 1 500 km2 à écoulement rapide, et les crues sont fréquentes en hiver mais peuvent aussi survenir après des orages d'été. Des turbulences de surface et de fond se développent à l'aval des moulins en raison de l'énergie libérée par le barrage ; les fonds sont instables et la fosse formée au pied du barrage atteint 5 à 6 mètres de profondeur. Le site possède une trace d'occupation ancienne : un moulin à cet emplacement est attesté depuis le XIe siècle comme dépendance de l'abbaye Saint-Nicolas-des-Prés. L'actuel moulin de Lucy, dernier moulin à farine du XIXe siècle survivant dans cette partie de la vallée de l'Oise aux destructions de 1914-18, a été construit en 1840 par le sieur Niay, meunier à Villers-le-Vert. Au début du XXe siècle il a été transformé en cotonnière spécialisée dans la teinture, les apprêts, le mercerisage et le bobinage de fils. Il a été, avec l'usine d'Harly établie en 1875, une des usines de Julien Daltroff, de nationalité suisse; Daltroff est décédé en 1903, son fils Albert lui a succédé puis a cédé les usines en 1937. L'activité de teinture, mercerisage et bobinage s'est poursuivie jusqu'en 1978, sous la marque La Cotonnière de Lucy-Ribemont, entreprise dont le siège social était à Caudry pour les Dentelles de Calais-Caudry. Depuis 1981 la propriété appartient à la famille de Bruyn, qui l'a réhabilité et l'exploite pour la production d'énergie et pour diverses activités liées à l'environnement, telles que l'ingénierie des milieux humides, les associations, la formation, les initiations à la rivière et les loisirs. Le moulin a été placé sous la protection de l'État et inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du préfet de Picardie en date du 14 janvier 1993 et il est visitable chaque année lors des Journées du patrimoine organisées en septembre. Il figure au titre des monuments historiques depuis 1993.