Origine et histoire
Témoin majeur des événements dramatiques du 19 au 23 février 1944, le mur des fusillés rappelle la seule révolte armée survenue en milieu carcéral durant l'occupation et sa répression. Le site occupe l'emplacement d'une ancienne abbaye bénédictine, mentionnée dans des documents médiévaux et transformée à la Révolution en maison de force puis en établissement pénitentiaire. Des éléments de l'abbaye reconstruite aux XVIIe-XVIIIe siècles subsistent — notamment des ailes, des rez-de-chaussées voûtés et des escaliers — tandis que l'église a été démolie à la fin du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, l'ancienne abbaye est aménagée et agrandie pour répondre aux fonctions pénitentiaires : création d'une maison centrale, construction d'ateliers et d'infrastructures pour le personnel, réédification partielle d'ailes et construction de quartiers cellulaires et d'une chapelle. À partir de la fin du siècle, l'établissement est transformé en colonie pénitentiaire pour mineurs, puis rebaptisé maison d'éducation surveillée, accueillant des mineurs condamnés, réprimés ou placés à la demande des autorités civiles. Les conditions de détention y furent souvent dures, suscitant notamment un scandale après la mort d'un mineur en 1937 et une campagne de presse qui conduisit à des réformes. Sous le régime de Vichy, la centrale devient le lieu de détention principal pour des prisonniers politiques : à partir de 1943 les détenus politiques y sont massivement regroupés, s'organisent en comités issus de la Résistance, publient des journaux et forment un bataillon clandestin. Des évasions ont lieu avant la révolte de février 1944, au cours de laquelle les détenus prennent le contrôle de la centrale, espérant rejoindre les maquis, puis sont repris après l'intervention de forces de l'ordre et d'unités allemandes. La répression qui suit comprend des condamnations à mort et des exécutions collectives, ainsi que des livraisons de détenus aux autorités allemandes entraînant déportations et pertes en vies humaines. Le mur du sud-est, où des résistants furent fusillés, a été inscrit puis classé au titre des monuments historiques et fait l'objet d'une commémoration annuelle. Des traces matérielles de l'histoire carcérale subsistent encore dans l'enceinte, comme des cellules grillagées surnommées « cages à poules » et des aménagements plus récents. Aujourd'hui le centre de détention conserve une double mémoire : celle de son origine monastique et de ses transformations architecturales, et celle des résistances, des répressions et des déportations liées à la Seconde Guerre mondiale. Des initiatives contemporaines visant la réinsertion et la formation ont été mises en place au sein de l'établissement, qui demeure un lieu à la fois pénitentiaire et mémoriel.