Origine et histoire du Musée-hôtel Le Vergeur
Le musée-hôtel Le Vergeur, situé à Reims (Marne, Grand Est), occupe un hôtel particulier classé au titre des monuments historiques le 1er mars 1990. Il se trouve sur la place du Forum, à l'angle de la rue du Marc, entre la maison des comtes de Champagne et le cryptoportique. L'ensemble se compose de deux corps de bâtiment : l'un, d'origine médiévale (XIIIe siècle) et anciennement possédé par Eudes de Bourgogne, l'autre, de la Renaissance (XVIe siècle), largement remanié après la Première Guerre mondiale. De l'édifice du XIIIe siècle subsiste surtout une salle à fenêtres gothiques, dotée d'un plafond à la française auquel Viollet-le-Duc a consacré des observations. Le corps datant du XVIe siècle, le long de la rue du Marc, a été profondément transformé dans le style de la Renaissance par Nicolas Le Vergeur, baron de Challerange, vicomte de Cramail et comte de Saint-Souplet, dont le nom a donné celui de l'hôtel. Côté cour, deux séries décoratives se lisent : huit médaillons figurant des visages et six panneaux représentant des scènes et emblèmes de l'époque — la découverte des Indes américaines, des cavaliers à l'orientale, les armes de la famille Le Vergeur accompagnées d'un chardon et de l'anagramme GLACE.SUR.OV.RIEN, des lansquenets en querelle puis réconciliés, et deux cavaliers en tournoi. Dans la cave, un pilier porte l'inscription suivante : « Cy git vénérable religieux maistre Pierre Derclé Docteur en Théologie Jadis Prieur de céans 1486. »
En 1662 l'hôtel passa à Nicolas Coquebert, qui apposa son monogramme (un N et deux C entrelacés) sur une fenêtre du premier étage. La famille Beguin de Savigny fit édifier le porche actuel de la rue du Marc et remania les ouvertures, puis la maison appartint au XIXe siècle aux familles Clicquot-Ponsardin — qui lui donna le surnom de « maison Couvert » en lien avec la marque de champagne — puis Belleau. À l'approche de la Première Guerre mondiale, des acquéreurs américains envisageaient d'acheter la salle médiévale et le plafond de la Renaissance ; le rachat complet par la Société des Amis du Vieux Reims (SAVR), sous l'impulsion de son président Hugues Krafft, en empêcha la dispersion. L'hôtel fut fortement endommagé pendant la guerre, un incendie ne laissant que les murs ; Hugues Krafft le fit relever et restaurer au plus près de l'ancien par l'architecte Adolphe Prost, en fit sa demeure et y présenta ses collections. À son décès en 1935, il légua l'ensemble à l'association, qui transforma le lieu en musée ; depuis le 1er janvier 2019, la gestion scientifique du musée Le Vergeur est assurée par le musée des Beaux-Arts.
La cour et le jardin sont aménagés en promenade architecturale et accueillent des vestiges rapportés de la ville, notamment des arcades romanes du XIIe siècle provenant de l'ancienne église des Templiers, le portail du cloître de Saint-Pierre-le-Vieil (XVIe siècle), le portail XVIIe de l'hôpital Saint-Marcoul, ainsi que des fragments sculptés et un gisant de chevalier du Temple. Le musée, créé en 1932, conserve les collections rassemblées par Hugues Krafft et appartenant à la Société des Amis du Vieux Reims. Elles couvrent la période de l'Antiquité au XXe siècle et comprennent notamment cinquante gravures d'Albrecht Dürer, du mobilier Renaissance et néogothique, des œuvres d'Asie et d'Orient du XIXe siècle récoltées lors des voyages de Krafft, ainsi que des salles reconstituées en situation XIXe (chambres, cuisine, salle de bains, fumoir), un jardin, une promenade architecturale et la poupée Bleuette. Le fonds s'est enrichi de dons, parmi lesquels la famille Pommery a offert deux bustes représentant Alexandrine et Louis Pommery et deux portraits, et figurent aussi des aquarelles d'Eugène Auger (dont Rue de l'Écrevisse), La cour du chapitre par Auger, Louise Pommery par Baschet, des statues en ivoire, une cheminée Renaissance et Le sacre de Henri III par Antoine Caron. Le musée accueille par ailleurs des expositions temporaires et des événements culturels variés, tels que des concerts et des spectacles présentés lors de manifestations locales.