Origine et histoire du Musée de la Société Française
En 1848, Célestin Gérard, fils d'agriculteurs vosgiens et compagnon menuisier, ouvrit un atelier de réparation et de construction d'instruments et de machines agricoles. La révolution de 1848 interrompant l'activité économique, il fit l'expérience d'une entreprise itinérante : il construisit à ses frais des machines et alla de ferme en ferme battre les récoltes à forfait, ce qui eut un grand succès. Ce résultat permit l'extension et l'outillage des ateliers, qui se mirent à fabriquer la locomobile, le moteur désormais indissociable de la batteuse. En 1861 sortit de ses ateliers la première locomobile destinée à remplacer le manège à chevaux et, cinq ans plus tard, la première batteuse mobile, ancêtre de celles utilisées en France jusque dans les années 1950–1960. La prospérité de l'entreprise favorisée par la qualité de son fondateur et la situation géographique de la ville entraîna un développement qui nécessita des capitaux : naquit ainsi en 1879 la Société française de matériel agricole, devenue en 1889 la Société française de matériel agricole et industriel. Ses batteuses et ses tracteurs lui valurent une grande notoriété et, jusqu'à son rachat par la société américaine Case en 1959, l'usine figura parmi les plus importantes constructrices de matériel agricole en France. Les ateliers de Célestin Gérard étaient installés dans le nouveau quartier de la gare, entre la gare et la route nationale de Nevers à Tours, et l'acquisition par la Société française donna lieu à de multiples achats qui conduisirent l'usine à occuper environ sept hectares en centre-ville. Les principaux bâtiments subsistent et le dossier de protection retient trois éléments emblématiques conservés dans le projet de réaménagement. La maison de Célestin Gérard, construite entre 1867 et 1879, présente un intérêt architectural modeste ; elle se distingue surtout par sa situation au sein de l'usine et par le décor de sa façade sur rue en rapport avec l'activité de l'entreprise ; elle reflète la réussite professionnelle de son constructeur et constitue le seul bâtiment subsistant des ateliers originels. Les halles de fabrication, rue Maxime-Gorki, forment l'élément essentiel de l'usine : ces ateliers couverts par des charpentes métalliques à poutres en treillis occupent un vaste rectangle entre la rue Maxime-Gorki et la rue du Bas-de-Grange. La grande cour de l'usine est monumentalisée par les pignons métalliques et vitrées des halles, disposées selon un rythme ternaire — trois grandes halles encadrant deux groupes de halles plus basses — et agrémentées de détails décoratifs en fer et de motifs en brique colorée sur les murs des petites halles. Ces ateliers, avec le grand magasin, affirmaient le prestige de l'usine et leur intérêt historique et architectural justifie leur inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, d'autant que leur intégrité est aujourd'hui compromise par un projet de réaménagement qui les traverse pour créer une liaison piétonnière et prévoit la démolition d'ailes en retour, notamment celle de l'ouest. La grande halle d'exposition, construite entre 1898 et 1902 à l'emplacement du magasin d'exposition de Célestin Gérard, était la vitrine de l'entreprise ; depuis l'installation de Case en 1959 elle a perdu sa façade ornementale en métal et verre, mais elle a été restaurée récemment pour accueillir la Maison des Cultures Professionnelles. Son plan en croix, constitué de quatre halles couvertes par une charpente métallique présentant une complexité à la croisée, et le maintien de son volume en font un élément intéressant du site. L'atelier thermique, construit à partir de 1881, doit être conservé pour y créer une salle de conférence qui sera reliée à la Maison des Cultures Professionnelles à l'ouest et au parking projeté à l'est par la passerelle métallique de la rue Bernard-Palissy. Cette passerelle, édifiée dans les années 1880–1890, sera la seule conservée des trois qui existaient sur le site en 1998 ; les deux autres s'élevaient au-dessus de la rue Maxime-Gorki.