Origine et histoire du Musée Zervos
La maison Zervos, dite « La Goulotte », est située à Vézelay (Yonne) et a été rénovée et aménagée entre 1937 et 1943 par l'architecte Jean Badovici, avec une participation supposée d'Eileen Gray. Conçue comme maison de vacances, elle est considérée comme une œuvre représentative de l'architecture moderne de la première moitié du XXe siècle, telle que défendue par Badovici dans la revue L'Architecture vivante. Le projet reprend des idées développées dans la villa E-1027 tout en ne suivant pas strictement la formule des « cinq points » de Le Corbusier, Badovici et Gray prônant un retour aux dimensions humaines de la construction. Le vocabulaire adopté est résolument moderne : longues fenêtres en bandeau, expression libre des façades et recours à des garde-corps et matériaux industriels permettant de réduire les murs porteurs, comme le béton et des poteaux en acier. Une grande terrasse orientée sud-est, qui communique avec toutes les pièces du rez-de-chaussée, capte le soleil du matin jusqu'à l'après-midi ; le préau, ouvert sur le jardin nord‑ouest, laisse entrer la lumière du coucher de soleil par les grandes ouvertures arrière. La maison Zervos résulte d'une double commande de Christian et Yvonne Zervos : abriter leurs amis en séjour et servir de lieu d'exposition et de préparation des expositions pour leurs galeries parisiennes, la galerie Cahiers d'art et la galerie MAI. Installés à la Goulotte dès 1937, les Zervos y séjournent régulièrement ; pendant la Seconde Guerre mondiale le couple et certains amis y vivent en permanence pour se cacher des Allemands. Le couple devient propriétaire en août 1937 et entreprend des aménagements ; Yvonne décrit alors l'état ancien de la masure et, en 1939, fait élargir le pré et pousser des murs avec des artisans locaux pour aménager une chambre d'ami près de la grange, un poulailler et des abris pour les animaux. Les travaux menés par Badovici, peut‑être assisté d'Eileen Gray, se poursuivent jusqu'en 1943. La maison accueille l'été de nombreuses personnalités du monde des arts et de la littérature, parmi lesquelles Fernand Léger, Le Corbusier, Jean Castagnier, Luis Fernandez, Wifredo Lam et René Char ; Paul Éluard et Nusch y sont des hôtes assidus et Picasso y a également séjourné. Christian Zervos entretient des liens étroits avec Picasso, qui a favorisé sa rencontre avec Yvonne et a confié à Zervos l'édition du catalogue exhaustif de son œuvre. Le couple habite la maison à temps plein à partir de 1942 et jusqu'à la libération en 1944, avant de retourner à leur appartement du 40, rue du Bac à Paris ; ils reçoivent notamment Paul Éluard et Nusch entre février et mars 1942, alors que ceux-ci vivent dans la clandestinité. En 1970, Christian Zervos lègue la maison, ses collections et l'ensemble de ses biens à la ville de Vézelay en vue de créer une fondation. La Fondation Christian et Yvonne Zervos est créée le 15 mars 1982 et la maison sert ensuite de lieu d'exposition et de résidence d'artiste. Des travaux de rénovation de la toiture, de l'installation électrique, du chauffage et le remplacement des volets ont été réalisés en 1999. En 2013, la Maison Zervos a reçu le label « Maisons des Illustres » et elle est affiliée à la Fédération des Maisons d'écrivain et des Patrimoines littéraires. La Goulotte fait partie d'un hameau de quatre maisons issu d'un ensemble de granges de la ferme Rousseau, dont une partie avait été abandonnée après une tornade en 1905. La maison est composée de deux anciennes granges accolées, reliées par des fenêtres en bandeau et un balcon surélevé. À l'intérieur, une double mezzanine structure l'espace et une tour d'observation avec coursive et bastingage domine la maison et le jardin ; l'ensemble se déploie sur trois niveaux. L'organisation intérieure offre, depuis le hall d'entrée en double hauteur, deux parcours indépendants : un escalier dessert la double mezzanine, l'autre conduit à une grande salle qui donne accès au préau et aux étages par un escalier discret menant au lieu de vie du propriétaire ; ces parcours se rejoignent au rez-de-chaussée par la terrasse sud. Le hall, éclairé par une grande porte‑fenêtre et par la lumière indirecte des mezzanines, ouvre sur un espace à double hauteur. La double mezzanine, installée dans l'ancien premier grenier, bénéficie d'un éclairage varié grâce à deux fenêtres donnant sur la terrasse, à un puits de lumière et au vide du hall. La salle à manger s'ouvre sur l'extérieur par deux fenêtres et une porte‑fenêtre centrale et reçoit ainsi une lumière naturelle abondante. Le « bureau‑établi‑atelier » de Christian Zervos, aménagé dans le second grenier sous le toit, est largement ouvert sur la terrasse par une immense fenêtre coulissante en longueur ; il possède un accès privé par un escalier menant au couloir du deuxième étage et un banc de rangement en ciment longeant l'escalier. Yvette Szczupak‑Thomas décrit ce bureau en 1942 et signale la présence du tableau Pêche de nuit à Antibes (août 1939) de Pablo Picasso sur le mur. La maison comprend des chambres d'amis et s'inscrit dans un aménagement paysager lié à son jardin et à la terrasse, sans autres détails précisés dans le texte.
