Origine et histoire
L'Observatoire de Haute‑Provence est implanté sur un plateau à 650 m, dans la commune de Saint‑Michel‑l'Observatoire, entre les monts de Vaucluse et le Luberon oriental, proche de Forcalquier et Manosque. Sa création s'inscrit dans la relance de l'astronomie française : la décision de construire l'observatoire intervient en 1936, il est fondé en 1937 et les travaux débutent en 1938. L'aménagement initial et la construction des premiers bâtiments sont dus à l'architecte Paul‑Robert Houdin, puis poursuivis par Jacques Guilbert et Louis Madeline. La Seconde Guerre mondiale ralentit le chantier ; des ouvriers locaux édifient un mur bas qui aurait visé à protéger le site et à soustraire certains travailleurs au service du travail obligatoire. La grande coupole abritant le plus grand télescope d'Europe est mise en service en 1958 ; son ossature en acier est réalisée par la Société des Forges et Ateliers du Creusot, la couverture en aluminium par la société Prouvé et les établissements STUDAL de Maxéville. Dans les années 1960 est construite la coupole du télescope de 1,52 m, destinée à alléger la charge d'observation du grand instrument. L'observatoire est partiellement inscrit au titre des monuments historiques depuis le 8 février 2017.
Le site a été choisi pour la pureté de son atmosphère et la fréquence de nuits propices à la photométrie : en moyenne 60 % des nuits sont utilisables et près de 170 nuits par an sont sans nuages. La visibilité typique se situe autour de 2 secondes d'arc, pouvant atteindre 1" ou moins, mais elle se dégrade fortement lorsque le mistral souffle, parfois au‑delà de 10", environ 45 jours par an. L'absorption atmosphérique à l'OHP est en moyenne environ deux fois supérieure à celle mesurée à La Silla.
Le premier instrument employé pour qualifier le site était un télescope de 80 cm utilisé dès 1932 et installé à l'observatoire en 1945. Le télescope de 120 cm, issu des collections de l'Observatoire de Paris, est installé en 1941 et commence à fournir des observations en 1943, conduisant aux premières publications scientifiques basées sur l'OHP en 1944. Le télescope de 1,93 m (T193), entré en service en 1958 et fabriqué par Grubb Parsons, a permis des découvertes majeures, dont la détection de la première exoplanète autour d'une étoile de la séquence principale, 51 Pegasi b, en 1995 grâce au spectrographe ÉLODIE, découverte récompensée par le prix Nobel de physique en 2019. En 2006, le spectromètre de haute précision SOPHIE a remplacé ÉLODIE et assure notamment le suivi des observations du satellite CoRoT ; SOPHIE a contribué à la confirmation de Kepler‑88b en 2013.
Le télescope de 1,52 m (T152), construit en 1967, est spécialisé en spectroscopie ; il accueille depuis 1989 le spectrographe AURELIE, remplaçable par EMILIE, et sert aussi de banc d'essai pour des dispositifs optiques comme le banc Papyrus développé en partenariat avec le LAM et l'Onera. Le T120 est un Newton ouvert à f/6 (focale 723 cm) équipé d'une caméra CCD 2048×2048 offrant un champ carré de 13,1" de côté, utilisé pour la photométrie et l'astrométrie. Le T80, premier instrument employé pour qualifier le site, se caractérise par l'absence de pointage assisté et est souvent utilisé par des étudiants en stage ou en remplacement des techniciens.
L'observatoire héberge également des instruments appartenant à des organismes extérieurs, parmi lesquels un télescope de 1 m de l'Observatoire de Genève, un instrument de 50 cm exploité par le CNES pour le suivi des satellites, et le Berlin Exoplanet Search Telescope (20 cm) dédié à la détection de transits. Le projet Providence prévoit l'implantation d'un télescope de 2,50 m, optimisé pour une optique adaptative de nouvelle génération et la haute résolution angulaire, visant l'observation de satellites et débris, la détection d'astéroïdes géocroiseurs et le suivi de phénomènes transitoires ; Providence devrait remplacer le T152 dans sa coupole. Le CNRS et l'Onera ont signé le 16 juin 2025 une déclaration d'intérêt commun pour la réalisation de Providence, envisagée pour 2028–2029 sous la tutelle conjointe de l'INSU et de l'Onera.
Depuis les années 1970 l'OHP abrite une station de recherche en sciences de l'atmosphère utilisant le LIDAR, la spectrométrie de la colonne d'air et le lâcher de ballons ; le bâtiment dédié porte le nom de station Gérard‑Mégie. L'observatoire participe à plusieurs réseaux internationaux et nationaux, comme le NDACC, PHOTON/AERONET, le réseau ROSEA et le projet PAES, et depuis 2014 il accueille une tour de 100 m du projet ICOS équipée de capteurs aux altitudes de 10, 50 et 100 m pour mesurer les gaz à effet de serre. L'OHP est conventionné avec l'Institut Pierre‑Simon‑Laplace pour des recherches en physique de l'atmosphère.
Implanté dans un écosystème méditerranéen dominé par une forêt de chênes pubescents (Quercus pubescens), l'observatoire accueille depuis 2009 la plateforme Oak Observatory at OHP (O3HP), financée par le CNRS, qui étudie la physiologie et la réponse au stress hydrique des arbres. Sur 400 m2 l'O3HP compare trois parcelles soumises à des traitements distincts — stress hydrique aggravé, stress naturel et parcelle témoin irriguée — et s'appuie sur un dispositif de passerelles instrumentées à deux niveaux (0,80 m et 3,50 m), des systèmes d'exclusion des pluies, d'irrigation et de réchauffement, un réseau de capteurs et des laboratoires d'analyse.
Le Centre d'Astronomie, construit en 1998 sur le plateau du Moulin de Saint‑Michel, est dédié à la médiation scientifique ; il accueille un sidérostat, plusieurs télescopes et un planétarium de 64 places inauguré en 2022. L'observatoire est une unité de service et de recherche du CNRS (INSU), fédérée avec le Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM) au sein de l'Observatoire Astronomique de Marseille‑Provence depuis le 1er janvier 2000, devenu l'Institut Pythéas en 2012. Parmi les directeurs qui se sont succédé figurent Jean Dufay (1936–1965), Charles Fehrenbach (sous‑directeur à partir de 1943, directeur 1966–1983), Yvette Andrillat (1984), Philippe Véron (1985–1994), Antoine Labeyrie (1995–1999), Jean‑Pierre Sivan (2000–2003), Michel Boër (2004–2011), Auguste Le Van Suu (2012–2022) et Marc Ferrari (depuis 2023). L'astéroïde (7755) Haute‑Provence, découvert à l'OHP en 1989 par Eric Walter Elst, porte le nom de la région et de l'observatoire.