Origine et histoire de l'Oppidum d'Ensérune
L'oppidum d'Ensérune est un site archéologique perché sur une colline de Nissan-lez-Enserune, dans l'Hérault, où subsistent des pans de murs cyclopéens, des silos creusés dans le substrat et des tombes à incinération accompagnées de mobilier funéraire tels que fibules et boucles. On y a mis au jour de la céramique grecque, ibérique, campanienne et indigène, et, sur le flanc méridional, les ruines d'une villa romaine. Le site a été occupé entre le VIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C., avec un véritable développement urbain à partir de la fin du Ve siècle av. J.-C. De -500 à -300, des échanges commerciaux importants marquent une phase hellénistique; les Gaulois apparaissent vers -218, l'oppidum connaît une prospérité accrue après la fondation de Narbonne par les Romains en -118 et il s'éteint progressivement au Ier siècle de notre ère. Durant l'âge du Fer (VIIIe–IIe siècle av. J.-C.), Ensérune figure parmi les principaux oppida de la Gaule méditerranéenne en territoire élisyque, relevant de la culture ibéro-languedocienne.
La colline domine d'environ cent mètres les plaines environnantes et offre une vue panoramique sur une partie des régions de Béziers et de Narbonne, jusqu'aux Pyrénées; elle surplombe l'étang de Montady au nord et le canal du Midi passe au sud depuis la fin du XVIIe siècle, en provenance du tunnel de Malpas. Le site se situe à environ huit kilomètres à l'ouest de Béziers et à deux kilomètres et demi au nord du vieux village de Nissan-lez-Enserune, à la limite des territoires de Colombiers, Montady et Poilhes. La colline est formée de sédiments du Miocène — des sables marins littoraux — dont la faible dureté a permis le creusement des silos.
L'archéologie sur le site débute au XIXe siècle : des numismates découvrent des monnaies ibériques vers 1850, puis l'abbé A. Ginieis explore le site entre 1843 et 1860 et met au jour un cimetière à incinération. À partir de 1915, Félix Mouret entreprend des fouilles systématiques qu'il publie en 1916 et dont il poursuit les travaux jusqu'en 1928; sa collection est ensuite installée en 1937 par Jules Formigué dans une villa érigée au sommet en 1915. L'étude de l'oppidum se poursuit avec l'abbé Louis Sigal (1929-1945), puis Jean Jannoray, qui travaille de 1946 à 1958 en collaboration avec le curé Joseph Giry et publie une thèse en 1955; l'abbé Giry contribue par la suite à la création du musée d'Ensérune. Un important chantier est conduit par Hubert Gallet de Santerre dans les années 1960; Martine Schwaller mène d'autres fouilles sur des tombes à la fin des années 1980 et en 1995, et, à la fin des années 1990, Cécile Dubosse et M.-E. Bellet réalisent des sondages et des études d'une zone artisanale. Une nécropole a été découverte à l'ouest du site. Le site et son musée sont administrés par le Centre des monuments nationaux.
Ensérune est célèbre pour le nombre et la qualité de ses silos creusés dans la roche : on recense près de 300 fosses sur la colline et ses abords, généralement de forme ovoïde et présentant des capacités estimées entre 10 000 et 85 000 litres. Ces structures, construites au fil de l'occupation du site, ont longtemps été interprétées comme des réserves de céréales, mais l'utilisation comme réservoirs d'eau est désormais considérée comme vraisemblable pour un très grand nombre d'entre elles; la plupart appartiennent à la dernière phase du site, principalement datée entre le IIe et le Ier siècle av. J.-C. Le stockage des céréales, apparu autour de la révolution néolithique, reste un élément central dans l'organisation des sociétés et explique en partie l'importance de ces aménagements.
Les terrains abritant le site archéologique sont classés au titre des monuments historiques depuis le 5 mars 1935 et le 21 janvier 1936. Le site et musée d'Ensérune participent au réseau "Iron Age Europe", créé en 2011 à l'initiative du Musée et parc archéologique du Laténium; ce partenariat international réunit des institutions consacrées à la recherche, à la conservation et à la valorisation de l'âge du Fer et comprend des membres tels que Bibracte, Lattes, Munich, Manching, Francfort, Lausanne, Laténium, Ullastret et Barcelone. Jusqu'au 19 mai 2024, l'oppidum et le musée accueillent l'exposition temporaire "En route! La voie Domitienne des Pyrénées au Rhône".