Origine et histoire de l'Oppidum de Bibracte
L’oppidum du Mont-Beuvray, dit Bibracte, s’étend sur les communes de Saint-Léger-sous-Beuvray (Saône‑et‑Loire), Glux‑en‑Glenne et Larochemillay (Nièvre) au sommet du mont Beuvray, massif qui comprend les sommets de la Pierre de la Wivre, de la Roche et du Porrey. Bibracte fut la capitale du peuple des Éduens, un centre politique et aristocratique qui connut son apogée au Ier siècle av. J.-C. ; la cité fortifiée occupait alors près de 135 hectares et a pu rassembler entre cinq et dix mille habitants. Le site domine les bassins de l’Yonne, de la Saône et de la Loire, et bénéficie de ressources hydriques nombreuses — dix‑sept points d’eau naturels — ainsi que d’une situation favorable aux échanges entre le monde celtique et Rome. Le musée de la civilisation celtique et le Centre archéologique européen, installés sur le site, présentent les découvertes issues des fouilles et la gestion du lieu est assurée par l’EPCC de Bibracte. L’oppidum, classé au titre des monuments historiques, a reçu le label « Grand site de France ».
La toponymie montre de nombreuses formes anciennes, et l’étymologie renvoie au gaulois *bibro‑ / *bebro‑, « castor », d’où l’idée d’un mont associé au castor ou d’un hydronyme; l’hypothèse d’un oronyme « mont doublement fortifié » n’est pas retenue par les spécialistes, et des inscriptions et débats anciens témoignent de difficultés d’interprétation et d’homonymie entre toponyme et théonyme. César mentionne Bibracte dans ses Commentaires et décrit la cité comme la plus grande et la plus riche des Éduens ; après la création d’Augustodunum (Autun) la ville finit par être délaissée, sans que l’on cesse pour autant la pratique de cultes et de pèlerinages sur le mont. Les fouilles de sauvetage et la tradition locale ont maintenu la mémoire d’une foire médiévale qui perdura, et un couvent s’implanta sur le Beuvray aux XVe–XVIe siècles.
La présence humaine sur le mont remonte au Néolithique, mais l’oppidum tel que l’on le connaît fut fondé vers la fin du IIe siècle av. J.-C. et a connu deux enceintes successives : une vaste enceinte externe d’environ 200 hectares et, plus tard, une enceinte interne réduite à 135 hectares. Les remparts, de type murus gallicus, ont fait l’objet de plusieurs reconstructions et d’au moins cinq remaniements de l’enceinte interne ; l’enceinte extérieure a été démantelée en partie pour réutiliser ses matériaux lors de la construction du mur interne. La Porte du Rebout, fouillée dès le XIXe siècle puis reprise depuis 1984, illustre ces phases successives et plusieurs niveaux de réfection, dont des aménagements très anciens.
La position géographique et les liens privilégiés des Éduens avec Rome expliquent l’importance politique et économique de Bibracte : la cité jouait un rôle de carrefour commercial entre les grands bassins fluviaux et assurait la diffusion de produits importés, attestée par les quantités d’amphores et de céramiques d’origine italienne retrouvées. Les Éduens formaient une confédération avec des peuples voisins et exercèrent un rôle d’alliés de Rome, ce qui se reflète dans les alliances et conflits rapportés par les textes antiques. Les textes évoquent aussi l’existence d’un système de douanes dont la perception contribuait à la richesse locale.
L’organisation interne de Bibracte se caractérise par des quartiers reliés par une voie centrale allant de la Porte du Rebout aux Grandes Portes, l’occupation du relief expliquant une trame urbaine moins régulière que sur certains autres oppida. Des quartiers artisanaux, notamment la Côme Chaudron et le Champlain, ont révélé une spécialisation métallurgique importante — forgerons, bronziers, émailleurs et frappeurs de monnaie — et des indices d’exploitation minière d’or, de fer et d’étain dans les massifs environnants. Les habitations, majoritairement en bois et terre, coexistent avec des constructions en pierre plus soignées dans le secteur du Parc aux Chevaux, où une demeure (PC1) a évolué jusqu’à une grande domus à atrium, portiques et hypocauste couvrant près de 3 500 m², et où l’on identifie une quinzaine de maisons de type comparable.
Au centre urbain, la Pâture du Couvent a livré un ensemble monumental articulé autour d’une basilique à trois nefs et péristyle interne, interprétée comme un forum précoce pour la Gaule, daté des dernières décennies avant notre ère, puis transformée en grande demeure privée. Un bassin monumental en granit rose, dont l’orientation correspond aux solstices, et des infrastructures de stockage de céréales et de vins importés témoignent d’un urbanisme soigné et de pratiques techniques parfois liées à des savoir‑faire extérieurs. Les lieux de culte sont nombreux : sources, fontaines, un nemeton palissadé au sommet et un temple gallo‑romain mis au jour sous la chapelle actuelle confirment la dimension religieuse du site et la poursuite des pèlerinages après l’abandon partiel de la ville. La nécropole fouillée sous le parking du musée a livré soixante‑dix enclos funéraires à incinération sur 1,5 hectare, et d’autres ensembles funéraires ont été repérés en contrebas de la Porte du Rebout.
Les premières grandes campagnes de fouilles modernes ont été conduites par Jacques Gabriel Bulliot de 1867 à 1895, puis par Joseph Déchelette jusqu’en 1907 ; les recherches ont repris à grande échelle en 1984 et ont conduit à la création du Centre archéologique européen du mont Beuvray, inauguré dans les années 1990, qui regroupe le site, le musée et le centre de recherches de Glux‑en‑Glenne. Les fouilles actuelles, pilotées par des équipes françaises et étrangères et dirigées par des responsables scientifiques, se concentrent notamment sur la Porte du Rebout, la Pâture du Couvent et le Parc aux Chevaux ; la surface partiellement fouillée atteint environ 12 hectares, soit une fraction limitée du site. Les méthodes ont évolué : de la prospection topographique de Bulliot on est passé à des techniques géophysiques et au lidar aéroporté qui permettent de documenter la topographie malgré la végétation.
Le musée de Bibracte, conçu par Pierre‑Louis Faloci et ouvert au public, présente des expositions permanentes consacrées à la civilisation des oppida et aux recherches sur Bibracte, des spectacles audiovisuels et des expositions temporaires sur le monde celtique, tandis que le centre de recherches de Glux‑en‑Glenne abrite une importante bibliothèque, des laboratoires et un dépôt archéologique et accueille équipes et étudiants venus d’Europe pour mener des opérations triennales de fouille et d’étude. Les publications et les chantiers scientifiques sur le Mont Beuvray continuent d’enrichir la connaissance de ce site majeur de l’âge du Fer et de sa romanisation précoce.