Origine et histoire de l'Oratoire carolingien
L'oratoire carolingien de Germigny-des-Prés, dit église de la Très-Sainte-Trinité, se trouve sur la commune de Germigny-des-Prés, dans le Loiret, en Val de Loire. Construit par l'évêque d'Orléans Théodulphe pour sa villa de Germigny, l'édifice adopte un plan centré en croix grecque inscrit dans un carré, avec trois absides orientées et des absidioles flanquant l'abside ouest. Une abside à l'extrémité des bras nord et sud existait également, tandis que l'abside ouest a disparu lors de l'adjonction d'une nef unique aux XVe–XVIe siècles. Au centre se dressait une tour-lanterne élevée sur quatre piles, éclairée par des voûtes en berceau et soutenue par de petites coupoles aux angles du carré. Dès le IXe siècle, des contreforts renforcent les murs qui portent ce dispositif voûté. Les fouilles ont révélé des niveaux successifs : le dallage primitif, des fondations d'absides en moellons et des sols postérieurs, ainsi que des vestiges de la loge épiscopale et d'un porche à l'ouest. Classée monument historique en 1840, l'église a fait l'objet de multiples restaurations et reconstructions ; l'important chantier de 1867–1876 par Juste Lisch a profondément transformé l'édifice et seule subsiste véritablement de l'original la mosaïque de l'abside orientée, quelques fondations et des fragments de décor conservés au Musée historique d'Orléans. Des éléments mis au jour et relevés au XIXe siècle, notamment des chapiteaux et des morceaux de stuc, ont été déposés au musée Cabu.
La mosaïque de l'abside, découverte et partiellement dégagée au XVIIIe siècle puis protégée et restaurée au XIXe siècle, constitue la principale survivance carolingienne de l'édifice. Collée sur toile et consolidée lors des interventions de Delton, Ciuli et Chrétin, elle conserve des parties authentiquement du début du IXe siècle et présente une conque elliptique de 6,25 m de base et 4,60 m de hauteur. Le sujet, annoncé par une inscription latine, représente l'Arche d'alliance posée sur une large bande d'or, portée par un des bâtons et gardée par deux chérubins vêtus de tuniques d'or ; deux anges nimbés et presque symétriques, d'1,96 mètre, montrent l'Arche et dominent la composition, tandis que la main de Dieu traverse un arc-en-ciel au sommet de la voûte. Une large bordure polychrome à grands octogones et un cartouche bleu inscrit occupent le registre inférieur.
L'étude technique rapproche la mosaïque de pièces byzantines et ravennates : tesselles de verre bleu cobalt, bleu clair, vert, gris-vert, jaune crème et noir, ainsi que tesselles or et argent composées d'une feuille métallique appliquée sur un support vitré et protégée par une mince lamelle de verre. Certains matériaux semblent liés aux productions de Ravenne et aux déblais d'Aix-la-Chapelle, ce qui plaide pour l'intervention d'un mosaïste byzantin ou formé à la tradition byzantine. Sur le plan iconographique, l'arche d'alliance, rare dans la décoration d'église, occupe la place traditionnellement réservée à la Vierge trônante ; cette substitution symbolique et l'emploi d'images et de symboles reflètent une position intermédiaire face à la crise iconoclaste, conforme aux débats théologiques carolingiens.
Le décor en stuc de la tour, représenté par des archivoltes et des colonnettes au second étage, relève d'un répertoire ancien et quelques éléments ont été relevés par Prosper Mérimée avant la démolition de 1867. Le mobilier de l'église est limité : on y note une pietà de tradition bourguignonne près de l'oratoire, un reliquaire émaillé d'atelier limousin de la fin du XIIe siècle exposé dans le petit musée de l'église, et une lanterne des morts des XVIe–XVIIe siècles déposée dans le jardin. La mosaïque de Germigny a été reproduite sur un timbre postal en 2000 et l'oratoire accueille chaque année plusieurs dizaines de milliers de visiteurs, en faisant l'un des monuments les plus fréquentés du département.