Origine et histoire
La Bastille est un fort militaire dominant Grenoble de 264 mètres et perché à 476 mètres sur les contreforts de la Chartreuse. L'ensemble des ouvrages militaires de la Bastille fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 30 janvier 1989. Le site, accessible par téléphérique, à pied ou en voiture, est le premier site touristique de l'agglomération grenobloise, avec environ 600 000 visiteurs par an. La gare supérieure du téléphérique accueille une webcam qui prend toutes les vingt minutes un panorama de 220°, archivés depuis le 13 juillet 2017.
Le fort occupe le dernier promontoire du mont Rachais, étroite avancée la plus méridionale de la Chartreuse, et domine la vallée d'un plateau d'origine glaciaire. Cette plate-forme est un épaulement formé lors du retrait du glacier de l'Isère et les alluvions lacustres würmiennes ont laissé une plaine remarquablement plate. L'emplacement a été retenu pour sa position stratégique, permettant de surveiller et défendre Grenoble et les vallées de l'Isère et du Drac tout en étant difficilement attaquable par ses falaises et pentes.
Une maison forte édifiée au tournant du XVIe siècle évolue en fortin, puis en bastille construite par Lesdiguières en 1591–1592, composée d'une tour, de petits bastions et d'un mur épais protégeant une garnison. Sous Lesdiguières la ville se dote de nouvelles murailles adaptées à l'artillerie, avec six bastions et deux demi-bastions, qui accroissent la superficie défendue et intègrent les faubourgs. Au XVIIe siècle sont aménagées deux branches de fortifications descendant de la bastille vers des portes monumentales sur l'Isère, la porte Saint-Laurent à l'est et la porte de France à l'ouest, reliées ensuite par une courtine.
Lors de son inspection en 1692 Vauban juge la Bastille et les fortifications de Grenoble insuffisantes et propose des améliorations dont seules quelques réalisations, comme des magasins à poudre et des terrassements, seront réalisées. Au XVIIIe siècle les fortifications tombent en déshérence faute de menace et d'entretien, tandis que de nombreux projets hydrauliques visant à détourner l'Isère resteront inaboutis.
Après 1815 le général Haxo est chargé de moderniser les défenses de Grenoble et le fort actuel, construit sur le tracé des murs précédents, est édifié entre 1824 et 1847 selon des plans adaptés au relief. Le donjon, ouvrage rectiligne à trois étages de casemates en pierres taillées, est précédé d'un fossé et son accès se fait par un pont-levis muni d'un système de contrepoids inventé en 1833 par le capitaine Guèze. À proximité sont bâties une caserne pour une centaine d'hommes, un magasin à poudre et le fort du Rabot, édifice plus bas destiné à loger jusqu'à 900 soldats, aujourd'hui utilisé par l'université. Haxo dessine également un escalier remarquable de 380 marches côté Saint-Laurent, construit des casemates ouvertes à l'arrière pour l'évacuation des fumées et relie les deux branches par une courtine d'environ 500 mètres. Les travaux, marqués par la succession de chefs du Génie, sont achevés en 1847 et la maquette au 1/600e de la ville destinée aux stratèges est réalisée l'année suivante.
Malgré la construction ultérieure d'une ceinture de forts, la garnison de la Bastille est maintenue jusqu'en 1940 ; la caserne devient un restaurant en 1934 et l'ensemble appartient à la ville depuis 1970. Le site conserve aujourd'hui quelques vestiges des fortifications de Lesdiguières, des échauguettes et un escalier-tour dans le jardin des Dauphins, ainsi que des pylônes porteurs d'émetteurs.
Le système défensif de la Bastille vise principalement la Chartreuse qui domine le fort : les ouvrages sont conçus pour tirer vers la montagne, le donjon est isolé par un glacis et un fossé défendu par demi-bastions permettant des tirs croisés. Des cavernes-batteries creusées dans la falaise du mont Jalla en 1844, reliées par un chemin et un souterrain, permettaient des feux de revers et la circulation protégée des soldats vers le pont-levis. Les casemates de Haxo, nombreuses et voûtées, assurent des embrasures d'artillerie et des banquettes de tir, ouvertes à l'arrière pour évacuer les fumées de poudre noire.
Avec le recul de la frontière après 1860 et l'apparition d'armements plus modernes, la Bastille perd sa vocation opérationnelle et ses fortifications n'ont jamais servi en situation de guerre. Le téléphérique, en service depuis 1934, est l'un des plus anciens téléphériques urbains ; il fonctionne toute l'année et transporte environ 300 000 visiteurs par an, tandis que la montée reste aussi empruntée par automobilistes et nombreux marcheurs. Le site accueille deux restaurants, des activités de loisirs comme tyroliennes et parcours acrobatiques, des manifestations sportives et culturelles, et a été aménagé pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite.
La colline abrite plusieurs musées et centres culturels : le musée archéologique Grenoble Saint-Laurent, le musée dauphinois, le centre d'art Bastille, le musée des troupes de montagne et un CCSTI installé dans une casemate. Les grottes dites de Mandrin, creusées en face du glacis et reliées par passages et escaliers, servaient de dépôts d'armes et sont aujourd'hui accessibles via un tunnel et une tyrolienne depuis 2012. Au‑dessus de la Bastille le mont Jalla, accessible à pied en une trentaine de minutes, présente les ruines d'installations liées aux anciennes carrières et le mémorial national des troupes de montagne. Le jardin des Dauphins, aménagé au pied de la colline, présente une flore méridionale et des aménagements historiques, tandis que la route goudronnée menant au fort, longue de 1,9 km et très pentue, attire cyclistes et compétitions locales. La Bastille a inspiré artistes et graveurs depuis le XVIIe siècle et demeure un point d'observation, de mémoire et d'animation inscrit dans le patrimoine grenoblois.