Origine et histoire du Palais abbatial
Le palais abbatial de Remiremont, situé au cœur du quartier canonial de Remiremont (Vosges, Lorraine), s’adosse à l’église Notre‑Dame, ancienne église Saint‑Pierre ou église capitulaire, et fait partie d’un ensemble comprenant les maisons des chanoinesses et le portail de l’ancien hôpital Sainte‑Béatrix. Les façades et toitures, le sol de la cour, le sol du jardin et le sol du passage jusqu’aux murs de l’église sont protégés au titre des monuments historiques depuis l’arrêté d’inscription du 31 mai 1965.
L’histoire du site remonte à la fondation de l’abbaye du Saint‑Mont par Romaric et le moine Amé, venus de Luxeuil, autour de 620, quand se constitua une communauté féminine contemplative organisée en sept oratoires. Le monastère quitta le Saint‑Mont à partir du IXe siècle pour la plaine : une translation solennelle eut lieu à la Pentecôte et la communauté s’établit sur l’emplacement de ce qui devint Remiremont. Après des troubles dus aux invasions des Magyars, le monastère fut reconstruit entre la fin du Xe et le XIe siècle avec l’appui de l’empereur et des évêques de Toul ; le pape Léon IX consacra l’église et accorda des privilèges, et l’abbaye fut placée sous protection impériale par un diplôme attribué à Henri IV en 1070.
L’existence d’un hôtel abbatial est attestée dès la fin du XIVe siècle ; il fut agrandi et modifié à plusieurs reprises, notamment au XVIe siècle par Renée de Dinteville. En 1616 Catherine de Lorraine fit reconstruire l’habitation abbatiale alors ruinée ; cet établissement, décrit par des contemporains comme sobre mais richement meublé, fut fortement endommagé par le tremblement de terre de 1682 et menacé par un incendie en 1692, puis restauré par l’abbesse Dorothée Rhingraff de Salm. L’ancien hôpital primitif fut remplacé par le nouvel hôpital Sainte‑Béatrix, mis en service au début du XVIIIe siècle, et son terrain fut ensuite réuni à l’hôtel abbatial.
Au milieu du XVIIIe siècle, l’abbesse Anne‑Charlotte de Lorraine fit entreprendre une reconstruction importante de l’hôtel abbatial ; les travaux de 1752 à 1756 donnèrent naissance à l’édifice dont une partie subsiste aujourd’hui. Les auteurs et sources se référant à cette campagne de travaux citent différents noms d’architectes (Jean Gauthier, un nommé Levrier, Jean Nicolas Jeannesson), la paternité des plans variant selon les témoignages.
Le bâtiment élevé se compose de deux grands corps de logis reliés par un pavillon central sur le côté méridional du chevet ; il adopte une disposition en éventail ouvrant sur une place, un jardin et une cour, et couvre une surface d’environ 1 300 m2. Il présente des façades distinctes : la façade en éventail donne sur le jardin privé appelé jardin des Olives, la façade d’entrée sur la place de l’Abbaye a été remaniée après la Révolution, et la façade ouvrant sur la place de Mesdames donne sur une cour pavée où subsistait une glacière destinée à la conservation des denrées. L’intérieur comportait et comporte encore de vastes pièces richement décorées, un grand salon avec galerie et fourneau de faïence, des salles de réception et des sous‑sols dotés de grandes cheminées à manteau. Le palais, à deux étages avec combles aménagés, s’inscrit dans un langage classique qui fait écho, par certains aspects, au château de Lunéville.
Après des dommages causés par un incendie lors de l’occupation militaire en 1871, le palais et l’église furent réhabilités sous la Troisième République. Aujourd’hui le palais abbatial abrite l’hôtel de ville et les services municipaux ; l’aile donnant sur la place de Mesdames accueillait autrefois le tribunal d’instance. Plusieurs pièces conservent des décors, tableaux et mobiliers d’apparat ainsi que des éléments liés à l’ancien usage canonial, tandis que la place de Mesdames conserve sa fontaine et la trace de l’ancienne glacière.