Origine et histoire du Palais de justice
Le palais de justice, dit palais Thiac, a été construit de 1839 à 1846 sur les terrains du château du Hâ par l'architecte Joseph-Adolphe de Thiac et inauguré en 1846. Il est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 19 mars 1979 et se situe sur le côté nord de la place de la République, à Bordeaux. Après la construction d'un nouveau palais en 1998, l'édifice abrite la cour d'appel de Bordeaux, la cour d'assises de la Gironde et le conseil de prud'hommes de Bordeaux. Avec l'École nationale de la magistrature, inaugurée en 1972, et le tribunal judiciaire construit en 1998 par Richard Roger, il forme l'îlot judiciaire établi à l'emplacement du fort du Hâ, dont seules deux tours subsistent et ont été intégrées à l'école de la magistrature.
Le projet de Thiac, retenu après plusieurs propositions, visait à regrouper les juridictions civiles et criminelles et comporte également une prison moderne ; la construction entraîna la destruction du fort, à l'exception des deux tours. Le coût des travaux s'éleva à deux millions de francs, soit le double des prévisions, et l'édifice fut surnommé palais Thiac en raison de la qualité de son architecture et de sa décoration. Le site a connu des fonctions pénitentiaires et des exécutions, et pendant la Seconde Guerre mondiale le fort fut utilisé comme prison politique ; la tour conserva un rôle pénitentiaire jusqu'en 1967. L'École nationale de la magistrature fut construite à proximité au début des années 1970 et inaugurée en 1972, puis en 1998 un second palais accueillit le tribunal judiciaire tandis que le palais Thiac conserva la cour d'appel, la cour d'assises et le conseil des prud'hommes.
D'un point de vue architectural, Thiac s'inspira des compositions modulaires de Jean‑Nicolas‑Louis Durand pour organiser rationnellement les espaces, plaçant la cour d'assises sur l'axe principal. Le style néo‑classique, marqué par l'influence gréco‑romaine, se manifeste sur la façade principale qui reprend l'ordonnance des côtés longs du temple grec d'Aphaïa à Égine selon les relevés d'Abel Blouet. Le portique central, en retrait, est flanqué de deux massifs aveugles prolongés par des ailes latérales ; l'ensemble est surmonté d'un entablement à triglyphes et métopes et couronné par trois frontons triangulaires. Dix-sept marches conduisent à un péristyle de seize colonnes doriques cannelées ; trois portes ouvrent sur la salle des pas perdus, tandis que la façade principale, légèrement plus basse, présente des croisées oblongues surmontées de frontons triangulaires. Les bâtiments latéraux sont ornés de deux plaques de marbre évoquant les tables de la loi et coiffés de quatre sculptures colossales assises, œuvres de Dominique Fortuné Maggesi représentant Montesquieu et Michel de L'Hospital à droite, Malesherbes et d'Aguesseau à gauche ; chaque statue mesure environ trois mètres sur 3,65 mètres et est placée à seize mètres de hauteur.
La salle des pas perdus est une vaste salle rectangulaire de plus de 1 000 m2 qui sert de lieu de rencontre et de distribution vers les salles d'audience ; elle est rythmée par des colonnes mêlant ordres dorique et ionique supportant de fausses tribunes et couverte d'un plafond à caissons réalisé par les sculpteurs Bonino, Lamarque, Dubruch et Minquini. Des verrières intérieures ont été dotées de vitraux contemporains par Bernard Fournier entre 1996 et 1999, et des inscriptions dorées au‑dessus des portes rappellent l'ancienne disposition des juridictions. Aux extrémités de la salle se trouvent deux statues : Montesquieu, sculpté par Nicolas Raggi et offert en 1821 par le roi Louis XVIII, et Montaigne, sculpté par Nicolas Milhé et installé en 2014 dans le cadre du 1 % culturel, cette dernière présentant délibérément un vêtement anachronique et une inscription extraite des Essais.
Le palais compte quatorze salles d'audience ; la cour d'assises occupe le centre du bâtiment, tandis que les salles de la cour d'appel et du conseil des prud'hommes se situent sur les côtés. Les salles sont généralement rectangulaires, sauf certaines premières chambres du tribunal civil et de la cour royale qui se terminent par une large abside ; elles reçoivent un éclairage zénithal et sont richement aménagées de boiseries, de portraits et de sculptures de personnalités du monde juridique.
La salle Montesquieu, la plus richement ornée et décorée sous le Second Empire, comporte les portraits de Napoléon Ier et de Napoléon III et conserve une organisation solennelle où les magistrats siègent en deux rangées autour du fauteuil du premier président, le placement respectant un protocole d'ancienneté ; l'espace associe marqueteries, plancher en chevrons, marches de séparation et une peinture de Duvignau allégorique de l'esprit des lois, riche en références à Montesquieu et à l'Antiquité. Le décor fait de nombreuses références au droit romain, visibles dans les inscriptions du plafond à caissons (dont la mention jus romanum) et dans les emblèmes et noms de juristes qui ornent la salle, reflétant l'influence des projets judiciaires impériaux.
Parmi les affaires célèbres jugées en ces lieux figurent les procès de Marie Besnard, l'affaire de l'assassinat d'André Aliker en 1934, le procès des seize de Basse‑Pointe en 1951 et le procès de Maurice Papon.