Période
XIe siècle, XIIe siècle, XVe siècle, XVIe siècle, 2e moitié XIXe siècle
Patrimoine classé
Parties des XVe et XVIe siècles : classement par liste de 1840 ; Vestiges juifs d'époque romane découverts dans la cour d'honneur, 36 rue aux Juifs (cad. BH 170) : classement par arrêté du 1er juillet 1977 ; Parties du XIXe siècle. Cour d'Appel : façades et toitures ; salle des Pas-Perdus ; salle des Audiences solennelles de la 1ère chambre, avec son décor ; escalier d'accès au bureau du 1er président dans l'aile Nord-Est. Tribunal de Grande Instance, place du Maréchal-Foch : façades et toitures ; les deux escaliers avec leur voûte lambrissée (cad. BH 170) : inscription par arrêté du 16 mai 1979
Origine et histoire du Palais de justice
Le palais de justice de Rouen, ancien Échiquier puis Parlement de Normandie, est l’un des monuments emblématiques de la ville. Des vestiges juifs datés des XIe et XIIe siècles subsistent sur le site. En mars 1494 les conseillers décidèrent de construire au Neuf Marché une grande salle, aujourd’hui dite Salle des Procureurs ; sa réalisation, ainsi que celle de l’aile ouest, fut conduite entre 1499 et 1508 par Roger Ango et Roulland Le Roux. Le corps central, élevé au début du XVIe siècle pour le Palais royal et l’Échiquier, adopte le style Louis XII, transition entre gothique et Première Renaissance, et devient Parlement de Normandie sous François Ier avant de remplir les fonctions de palais de justice à partir de la Révolution. L’ensemble fut agrandi et modifié à plusieurs reprises : rallongement et lucarnes au début du XVIe siècle, nouveaux escaliers en 1531, créations et achèvements aux XVIIIe et XIXe siècles par Jacques II Millets‑Désruisseaux, Pierre Jarry, Alexandre Dubois, puis travaux de restauration et d’agrandissement menés au XIXe siècle par Henri Charles Grégoire et Lucien Lefort. La façade monumentale et les lucarnes rappellent l’architecture civile gothique flamboyante et la richesse décorative du style Louis XII ; l’édifice est comparé à l’hôtel de Bourgtheroulde et au bureau des Finances contemporains. Classé parmi les monuments historiques dès la liste de 1840, il a fait l’objet d’une importante restitution après les destructions de la Seconde Guerre mondiale, qui ont profondément endommagé l’aile ouest le 19 avril 1944 puis anéanti presque complètement le corps de logis central le 26 août 1944 ; seuls les murs de pierre subsistaient alors. Les intérieurs, dont la salle des Assises avec son plafond à caissons de la Renaissance et la grande salle dite des Procureurs avec sa charpente en carène renversée, ont été reconstitués à l’identique après-guerre, les charpentes ayant été remplacées par des carènes en béton pour la restitution. Certaines parties néogothiques, moins touchées, conservent volontairement des traces de dégâts comme mémoire des bombardements ; cette volonté commémorative a suscité des débats, notamment autour d’une installation en 2020. L’affaire dite « de l’escalier » au début du XXe siècle illustre les polémiques sur les restitutions : l’escalier projeté par Lucien Lefort provoqua une vive opposition et fut remplacé en 1904 par celui de Paul Selmersheim. Pour remplacer la statuaire disparue à la Révolution, Joseph Brun réalisa dès 1836 des figures représentant personnages et classes sociales liés à l’histoire du palais. Des interventions ultérieures au XIXe siècle ont ajouté des éléments néogothiques, dont la tour de l’horloge et des façades d’angle, tandis que des restaurations récentes ont poursuivi la remise en état des décors. La « Maison sublime », découverte en 1976 sous l’escalier de l’aile est et datée autour de 1100, est un rare témoignage roman lié au quartier médiéval dit du Clos aux Juifs : une inscription en hébreu, des sculptures et l’hypothèse d’une yeshiva ont été avancées, des documents d’archives citant des savants comme le Rashbam et Abraham ibn Ezra. L’expulsion des Juifs de France en 1306 interrompit son usage, la construction du palais en 1499 enfouit son premier niveau, sa découverte moderne fut suivie d’une démolition partielle par le ministère de la Justice en 1982 pour aménager des bureaux et un parking, puis d’une réouverture au public en 2022 sous l’égide de l’Office de tourisme de Rouen. Le palais conserve aussi la mémoire sociale de la ville : à la fin du XVIIIe siècle, les prisons de la Conciergerie ont servi de « dépôt des noirs » pour des esclaves au service de leurs maîtres. Des restaurations récentes du bestiaire sculpté se poursuivent, notamment des compléments de gargouilles réalisés en 2011 par les ateliers Mainponte. Le site est desservi par la station de tramway Palais de Justice – Gisèle Halimi.