Origine et histoire du Palais des comtes
Le palais des ducs d'Aquitaine et comtes de Poitiers, situé à Poitiers (Vienne), est un monument historique et un témoignage du gothique angevin. Classé depuis 1862, il a successivement été palais ducal, palais comtal, puis palais de justice avant de devenir un lieu culturel. L'édifice médiéval se compose surtout de deux corps distincts : une très grande salle flamboyante d'environ 50 mètres de long, dite aula ou salle des pas perdus, et un donjon rectangulaire inachevé appelé tour Maubergeon, flanqué de quatre tours rondes. Un palais carolingien avait été établi au IXe siècle à l'emplacement le plus élevé de la ville, sur la muraille romaine, avant de disparaître dans un incendie en 1018. Les comtes-ducs d'Aquitaine reconstruisirent et agrandirent le palais aux XIe-XIIIe siècles ; des maçonneries de ces périodes ont été mises en évidence par des fouilles récentes. Guillaume IX fit ajouter au début du XIIe siècle la tour Maubergeon, où sa maîtresse Amauberge fut installée en 1114. En 1174 Richard Cœur de Lion s'y soumit à son père Henri II, et la tour ainsi que la partie sud du palais furent fortement endommagées lors de l'incendie de 1346 allumé pendant la chevauchée de Lancastre. La grande salle, parfois appelée aula, fut édifiée entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle ; sa construction et ses sculptures la rattachent à l'entourage d'Aliénor d'Aquitaine et aux ateliers de la cathédrale Saint-Pierre. Une chapelle dédiée à saint Vivien avait été aménagée dans l'enceinte à partir de 1104 ; elle fut détruite au début du XIXe siècle. À la fin du XIVe siècle, Jean Ier de Berry entreprit la remise en état et la reconstruction des parties brûlées, confiant à l'architecte et sculpteur Guy de Dammartin l'aménagement des appartements et la réalisation de la « belle cheminée » ornée de trois grandes cheminées sculptées dans le style flamboyant. Le mur sud de la salle fut percé de grandes baies et décoré de gâbles et de choux frisés ; quatre statues représentant des souverains et proches du duc, attribuées à l'entourage de Dammartin, ornent ce pignon et des moulages de ces œuvres sont exposés dans la grande salle. Dès le Moyen Âge la grande salle fut aussi un lieu de justice ; après le rattachement du Poitou au domaine royal elle devint la « salle du Roi » et accueillit notamment le parlement au XVe siècle ainsi que les Grands Jours de Poitou entre le XVe et le XVIIe siècle. La salle se délabra aux XVIIe et XVIIIe siècles, fut parfois réemployée à des usages profanes, puis le palais continua d'abriter des juridictions après la Révolution, la cour d'appel et le tribunal y restant jusqu'en 2019. Au XIXe siècle, l'architecte Vétault transforma l'accès en créant une nouvelle façade sur la place Saint-Didier, un escalier monumental et une aile inspirée des palais italiens ; la charte de 1830 remplaça les armoiries royales du fronton et un tribunal fut installé dans l'aile en 1852. La tour Maubergeon fut reconstruite à partir de 1408 ; son rez-de-chaussée abrite une vaste salle voûtée sous double croisée d'ogives éclairée par des vitraux, et si le sommet est orné d'une série de statues, la partie haute du donjon n'a jamais été achevée. La grande salle, d'environ 50 × 16,85 m, compte parmi les plus vastes de son époque en Europe ; elle n'a pas de plafond apparent et conserve une charpente en châtaignier réalisée en 1862 par des charpentiers de marine de La Rochelle. Les murs intérieurs présentent des arcatures aveugles soutenues par de fines colonnettes dont les culots sont sculptés de têtes et de personnages, motifs caractéristiques du gothique angevin que l'on retrouve à la cathédrale voisine. Restaurée et peinte au XIXe siècle, la salle conserve une banquette de pierre et des enduits imitant le grand appareil. Après le départ de la justice en 2019, la ville de Poitiers a acquis le palais, ouvrant une nouvelle page marquée par l'accueil de projets artistiques et d'événements culturels ; l'opération Traversées/Kimsooja a mis en dialogue patrimoine et création contemporaine et a attiré plus de 165 000 visiteurs. Depuis 2020 le palais accueille expositions, concerts, conférences et autres manifestations, et la salle des pas perdus est accessible tous les jours comme place publique couverte en attente de réhabilitation. Des fouilles archéologiques triennales lancées à partir de 2020-2021 portent sur la tour Maubergeon et le corps de logis adjacent pour alimenter la réhabilitation et approfondir la connaissance du site. Le palais est enfin lié à quelques anecdotes : une scène du film Jeanne d'Arc de Luc Besson y fut tournée, la rue de l'Échelle-du-Palais rappelle l'ancien accès côté ville et son passage, fermé puis rouvert depuis 2020, et les grilles et le portail entourant jadis le jardin ont été réinstallés sur une autre propriété où ils sont encore visibles.