Origine et histoire du Palais des papes
Le Palais des papes d'Avignon, élevé au XIVe siècle lorsque la ville fut le siège de la papauté, est la plus vaste construction gothique du Moyen Âge. À la fois forteresse et résidence pontificale, il a accueilli six conclaves qui ont conduit aux élections de Benoît XII (1335), Clément VI (1342), Innocent VI (1352), Urbain V (1362), Grégoire XI (1370) et Benoît XIII (1394). L'ensemble résulte de l'imbrication du palais vieux, voulu par Benoît XII et installé sur le Rocher des Doms, et du palais neuf, édifié par Clément VI, et il illustre pleinement le gothique international. Sa construction et son décor sont l'œuvre conjointe d'architectes et d'artistes de premier plan, parmi lesquels Pierre Poisson et Jean de Louvres pour l'architecture, et Simone Martini et Matteo Giovanetti pour les peintures murales. La bibliothèque pontificale d'Avignon, alors la plus importante d'Europe avec quelque 2 000 volumes, a rassemblé des clercs lettrés parmi lesquels se distingue Pétrarque, et la Grande Chapelle a attiré compositeurs et musiciens tels que Guillaume de Machaut, Philippe de Vitry et Johannes Ciconia. Par son ampleur et son organisation, le palais a favorisé la centralisation des services pontificaux et l'essor d'une véritable administration, portant les effectifs de la Curie de quelques centaines à plus de 500 personnes, auxquelles s'ajoutèrent plus d'un millier d'agents laïcs. Lorsque la papauté jugea nécessaire de revenir à Rome, l'espoir d'une réconciliation entre chrétiens et la pacification des États pontificaux contribuèrent à ce mouvement, et Urbain V puis Grégoire XI choisirent de retourner auprès du tombeau de saint Pierre, l'installation à Rome devenant définitive après leur départ. Le palais connut pourtant d'autres usages et troubles, notamment pendant le Grand Schisme et lors des sièges qui opposèrent Benoît XIII à ses adversaires, épisodes qui contribuèrent au déclin de son lustre médiéval. Classé monument historique dès la première liste de 1840, il a été inscrit, avec le centre historique d'Avignon, sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1995 selon les critères culturels i, ii et iv. Situé sur la partie nord du centre d'Avignon, sur le Rocher des Doms, le palais domine la rive gauche du Rhône et est visible de très loin, notamment depuis Villeneuve-lès-Avignon et, par temps clair, depuis le massif des Alpilles. Avant l'installation des papes le rocher accueillait des moulins, des habitations et le palais du Podestat, ainsi que la cathédrale Notre-Dame des Doms, vestige antérieur conservé à proximité. Clément V, élu à Pérouse, approcha le Comtat Venaissin et choisit Avignon pour sa position stratégique sur l'axe Rhône/Saône et son pont Saint-Bénézet, points de passage entre Espagne, Languedoc, Provence et Italie. Jean XXII, ancien évêque d'Avignon, fixa durablement la papauté dans la ville en adaptant l'ancien palais épiscopal, puis Benoît XII entreprit l'agrandissement et la fortification qui forment aujourd'hui le palais vieux. Sous Benoît XII et Clément VI se développèrent des chantiers considérables : tours, ailes, cloître, cuisines et appartements furent édifiés et décorés, tandis que les ateliers de peintres travaillèrent aux fresques et ornementations. Le palais neuf de Clément VI, achevé par Jean de Louvres, fit l'objet d'aménagements somptueux et d'installations techniques — cuisines, bains et espaces de réception — ainsi que d'un vaste décor peint confié à Matteo Giovanetti et à des équipes venues d'Europe. Après le départ définitif des papes, le palais perdit progressivement sa splendeur, subit des occupations militaires, des démolitions et des transformations en caserne, prison et magasins avant d'être restitué à la ville au début du XXe siècle. Les restaurations, engagées au XIXe siècle et poursuivies par des architectes successifs, ont permis de rendre accessibles de nombreuses salles remarquables, comme la Grande Chapelle, la Grande Audience, la Chambre du Cerf et le Grand Tinel, ainsi que plusieurs cycles de fresques. Ouvert au public depuis 1907, le palais accueille aujourd'hui un grand nombre de visiteurs ; en 2023 il a enregistré 774 325 entrées, un record depuis son ouverture (chiffre à confirmer). Le monument abrite des fonctions diverses : une partie accueille les Archives départementales du Vaucluse, des espaces muséographiques, une librairie-boutique et une bouteillerie, et il reçoit des expositions et des congrès dans des salles réaménagées. La Cour d'honneur, vaste esplanade centrale née des aménagements de Clément VI, est devenue le lieu emblématique du Festival d'Avignon, dont la pratique théâtrale en plein air s'est structurée à partir de 1947. Le palais conserve douze tours, des ensembles de salles solennelles — salle de la Grande Audience, Grand Tinel, paneterie, celliers et appartements pontificaux — ainsi qu'un réseau de galeries, cloître et jardins pontificaux récemment restaurés. Aujourd'hui la propriété et la gestion sont partagées : le palais neuf appartient à la ville d'Avignon, gérée par Avignon Tourisme qui assure accueil et entretien, tandis que la partie nord, le palais vieux, appartient au département du Vaucluse qui y installe notamment les archives, avant le transfert prochain des fonds et l'unification muséographique. Son importance historique, artistique et architecturale en fait l'un des monuments majeurs de la France médiévale et un site vivant, combinant patrimoine, recherches, manifestations culturelles et usages publics contemporains.
