Origine et histoire du Palais Idéal du Facteur Cheval
Le Palais Idéal du Facteur Cheval, à Hauterives (Drôme), est un monument édifié par Joseph‑Ferdinand Cheval, facteur rural engagé en 1869, qui ramassait les pierres au fil de ses tournées entre Hauterives et Traversante et les assemblait au mortier pour donner corps à son "palais de ses rêves". Les travaux ont commencé en 1879 et se sont poursuivis au gré de l'acquisition successive de quatre parcelles; un belvédère a été édifié face à la façade nord vers 1906 et l'ensemble a été achevé en 1912. À sa retraite en 1896, Cheval s'installe avec sa famille dans la villa Alicius, construite de 1893 à 1895 au nord‑est du palais; après sa mort en 1924, les gardiens du Palais s'y installent et la municipalité acquiert l'ensemble, palais et villa, en 1994.
La villa Alicius, dédiée à Alice Cheval, présente un plan rectangulaire sur deux niveaux avec un soubassement creusé de caves; le facteur y aménagea une terrasse offrant une vue panoramique sur le Palais, terrasse recouverte en 1902 par une toiture en tuiles et charpente bois. La villa est bâtie en béton de chaux, avec des garde‑corps en blocs de béton enduits, et sa fonction apparaît essentiellement pratique, visant à mettre en valeur le Palais Idéal.
Le Palais est à la fois un hymne à la nature et un assemblage très personnel de références bibliques, hindoues et égyptiennes. L'ouvrage, entièrement réalisé par un seul homme, mesure environ 12 mètres de haut sur 26 mètres de long; ses pierres, pour la plupart ramassées sur les chemins, sont liées par de la chaux, du mortier, du ciment et des armatures métalliques, procédé anticipant l'usage du béton armé.
Facteur et concepteur, Cheval puise son inspiration dans ses longues rêveries et dans les images de son époque, dont la carte postale. Il construira également, selon la même méthode, sa tombe au cimetière de Hauterives et la Villa Alicius, qui sont tous classés au titre des monuments historiques.
La façade est, sur laquelle Cheval passa les vingt premières années de travail, retrace une évolution intuitive de la végétation luxuriante aux ensembles architecturés: il y creuse d'abord un bassin et une cascade nommée la Source de Vie, puis la Source de la Sagesse, puis un grand ensemble dit Monument égyptien devenu Temple de la Nature, enfin le Temple Hindou et la composition des Trois Géants représentant César, Vercingétorix et Archimède. La façade ouest, plus rigoureuse, présente des architectures miniatures du monde disposées dans des alcôves — mosquée, temple hindou, chalet suisse, Maison Carrée d'Alger, château médiéval — et donne accès à une galerie de vingt mètres prolongée par une grande terrasse longue d'une vingtaine de mètres. Les façades nord et sud complètent l'ensemble: la façade nord conserve grottes et animaux sculptés autour du Temple de la Nature, tandis que la façade sud, plus dépouillée, évoque un musée antédiluvien et sert d'accès dégagé à la terrasse, initialement destinée au stockage des pierres.
Le facteur a gravé plus de 150 inscriptions poétiques et explicatives sur les façades, parmi lesquelles on peut lire des formules telles que «Travail d'un seul homme», «À la source de la vie j'ai puisé mon génie» ou «En créant ce rocher j'ai voulu prouver ce que peut la Volonté».
Classé au titre des monuments historiques le 23 septembre 1969, le Palais idéal fut défendu par le ministre André Malraux malgré un rapport de 1964 du ministère de la Culture le qualifiant d'«absolument hideux»; Malraux considérait pour sa part que l'ouvrage était le seul représentant en architecture de l'art naïf. L'œuvre a reçu, dès le début du XXe siècle et surtout dans les années 1930, le soutien moral d'artistes tels que Pablo Picasso et André Breton, et Max Ernst lui a consacré un tableau.
Le Palais idéal a par la suite nourri de nombreuses productions culturelles, dont un film biographique réalisé par Nils Tavernier sorti en 2018, et il a été classé deuxième lors d'un vote national organisé en 2020 dans le cadre de l'émission Le Monument préféré des Français; l'artiste Jean‑Michel Othoniel a par ailleurs ajouté des éléments en verre pour une fontaine en 2022. Le site accueille chaque année de nombreux visiteurs — environ 150 000 en 2013 et près de 180 000 sur la période 2018‑2019 — et propose des animations estivales, notamment des concerts de jazz en juin et Les Musicales du Palais en juillet.
