Origine et histoire du Palais Jacques Coeur
Le palais ou hôtel Jacques-Cœur, hôtel particulier gothique flamboyant de Bourges, fut construit à partir de 1443 pour Jacques Cœur, grand argentier de Charles VII. Les maîtres d'œuvre auraient été Colin Le Picart pour la maçonnerie et Jean de Blois pour la charpente ; le plafond peint de la chapelle a été restauré en 1869 par le peintre Denuelle. L'édifice, souvent cité parmi les plus somptueux de l'architecture civile du XVe siècle, est classé monument historique depuis la liste de 1840. Situé au 10 bis rue Jacques-Cœur, il occupe un flanc de coteau entre la ville haute et la ville basse et s'implante entre la rue des Arènes en contrebas et la rue Jacques-Cœur en limite supérieure, près du palais royal disparu, des marchés et de la cathédrale. Fils d'un marchand né vers 1400, Jacques Cœur fit fortune dans le négoce méditerranéen et fut anobli en 1441 avant de devenir grand argentier et maître des monnaies. En 1443 il acheta le fief de la Chaussée, une parcelle d'environ 5 000 m2 appartenant à Jean Belin, et deux maisons voisines, puis fit édifier sa « Grand' Maison » pour affirmer sa richesse ; le chantier, dont le coût dépasse cent mille écus d'or, est daté parfois jusqu'en 1450 et certaines sources le mentionnent achevé en 1453. Tombé en disgrâce en 1451, Jacques Cœur fut emprisonné et sa demeure confisquée par Charles VII ; il n'y aurait séjourné que huit nuits, s'évade et meurt à Chios en 1456. Le roi rendit la maison aux fils de Jacques Cœur en 1457 ; elle passa ensuite à divers propriétaires, vendue en 1501 à Antoine Turpin puis cédée en 1552 à Claude de L'Aubespine. Par décret judiciaire, l'édifice fut adjugé au ministre Colbert en 1679, puis rétrocédé à la municipalité en 1682 qui y installa des services administratifs et judiciaires, donnant au lieu le nom de palais. La Révolution entraîna la mutilation de bas-reliefs, notamment la statue équestre de Charles VII qui surmontait le porche et fut martelée en 1792. L'installation des juridictions au XIXe siècle provoqua de lourdes mutilations intérieures : ouverture de fenêtres, division des galeries et de la chapelle, destruction de sculptures et de cheminées, dont la cheminée monumentale lors de l'aménagement de la salle des Festins en salle d'audience. Prosper Mérimée signala ces atteintes dès 1837 et le classement de 1840 ouvrit la voie à des campagnes de restauration après la vente de la ville à l'État en 1858. Des travaux menés sous la direction d'Auguste Bailly puis de Paul Boeswillwald se succédèrent jusqu'en 1885, comprenant une importante réfection des façades mais comportant aussi des erreurs, parmi lesquelles la suppression de la toiture conique du donjon ouest. Un portail dessiné par Eugène Viollet‑le‑Duc date d'environ 1856. Après la revente au ministère puis l'acquisition complète par l'État en 1923, une restauration fondée sur des bases historiques fut conduite de 1927 à 1937 par Henri Huignard et Robert Gauchery, et le palais est aujourd'hui géré et ouvert au public par le Centre des monuments nationaux. Une campagne de nettoyage des façades eut lieu en 1999 et les parties extérieures ont été reprises autour des années 2010. Le bâtiment s'organise autour d'une cour intérieure et comprend un donjon, trois cours, une chapelle, huit escaliers à vis extérieurs, un pigeonnier sous les combles et des galeries ouvertes à arcades en anse de panier sur trois côtés de la cour. Les espaces mêlent pièces privées — comme la chambre des Galées et la salle du Trésor — et espaces publics ou utilitaires : la salle des Festins, offices, cuisines, étuves, vestiaires et des salles de réception destinées aux réunions et banquets. L'élévation du corps principal s'étage sur trois niveaux, joue sur un quadrillage de verticales et d'horizontales et se termine par des lucarnes imposantes logées dans la toiture ; la façade ouest, richement ornée, porte une corniche de choux frisés, une balustrade décorée des cœurs et coquilles armes de Jacques Cœur, et une double porte centrale sous un pavillon rectangulaire. La façade arrière s'appuie sur l'enceinte gallo‑romaine d'Avaricum, dont elle incorpore trois tours et suit le tracé courbe du rempart. La chapelle, située au-dessus de l'entrée, présente au tympan une fleur de lys flanquée de deux cœurs en hommage au roi. Les galeries, chauffées par plusieurs cheminées monumentales, abritent des décors sculptés narratifs, comme la cheminée dite « Les jeux de la guerre » représentant le siège d'un château et une autre, « Les loisirs de la noblesse », ornée de frises et d'arcatures aveugles. La salle des Festins conserve une cheminée monumentale, une tribune pour musiciens et un garde-corps sculpté aux emblèmes de Jacques Cœur et à sa devise, tandis que la salle d'apparat à l'étage est couverte par un plafond soutenu par trois grosses poutres. On note par ailleurs des installations techniques d'époque, notamment des étuves à hypocauste, et des vitraux d'origine dans la « Chambre des Galées ». Des interprétations ésotériques ont associé le palais à l'alchimie, mais ces hypothèses restent discutées par les historiens. Le palais a inspiré des œuvres et des écrivains ; Jean‑Christophe Rufin a notamment évoqué son admiration pour le lieu dans Le Grand Cœur.