Origine et histoire
L’abbaye de Saint-Pierre‑les‑Nonnains, dite aussi abbaye des Dames de Saint‑Pierre ou palais Saint‑Pierre, est un ancien établissement religieux de Lyon qui accueille des moniales dès le haut Moyen Âge et qui a été largement reconstruit aux XVIIe et XVIIIe siècles ; elle abrite aujourd’hui le musée des Beaux‑Arts de Lyon. La date exacte de sa fondation demeure incertaine et la documentation ancienne est problématique : le « testament d’Ennemond » a été identifié par Alfred Coville comme un faux médiéval, et les analyses modernes situent la première construction à la période mérovingienne tout en reconnaissant l’hypothèse comme incertaine. Aucun document d’époque ne précise non plus le moment exact de l’adoption de la règle bénédictine, que certains auteurs rapprochent de l’époque de Benoît d’Aniane. Sous le règne carolingien, l’évêque Leidrade fit reconstruire le monastère dédié à saint Pierre, et l’abbaye apparaît alors comme l’un des établissements les plus riches de Lyon, relevant directement de la papauté et comptant trente-deux moniales au moment de la lettre de Leidrade. Depuis le Moyen Âge, le monastère comprend deux églises : l’église conventuelle Saint‑Pierre et l’église paroissiale Saint‑Saturnin, dont les revenus étaient perçus par les moniales. Institution aristocratique, l’abbaye est gouvernée par des religieuses issues de la haute noblesse ; l’abbesse, élue par le chapitre, exerce de longue date un pouvoir important et porte parfois la crosse à la manière épiscopale. À partir du XVIe siècle, la discipline se relâche, les moniales vivent souvent hors du cloître et des plaintes conduisent à des réformes et à des conflits avec l’autorité ecclésiastique et royale ; l’abbaye perd progressivement une partie de ses privilèges et passe finalement sous l’autorité de l’archevêque de Lyon, tandis que le droit de nomination de l’abbesse revient au roi. Le palais Saint‑Pierre prend sa configuration actuelle au XVIIe siècle : à partir de 1659 Anne d’Albert d’Ailly de Chaulnes entreprend la reconstruction et confie le projet à l’architecte François Royers de la Valfrenière, puis sa sœur Antoinette achève les travaux et commande une décoration intérieure somptueuse confiée notamment à Thomas Blanchet. Le décor baroque, exécuté entre 1676 et 1687, retrouve aujourd’hui des éléments importants : le grand escalier d’honneur et le réfectoire orné de peintures et de sculptures, œuvres de Thomas Blanchet, Louis Cretey, Simon Guillaume, Nicolas Bidault et Marc Chabry ; l’ensemble des travaux fut évalué à 400 000 livres. Lors de la reconstruction, des boutiques furent aménagées au rez‑de‑chaussée pour assurer des revenus à l’abbaye, et le nouvel édifice fut salué comme une grande réalisation baroque à la française aux accents italiens. La Révolution française marque la fin de la vie conventuelle : les dernières moniales sont expulsées après les décrets de 1792, l’abbaye est vidée et utilisée comme caserne en 1793, et l’église Saint‑Saturnin est démolie, tandis que le palais est heureusement préservé de projets de destruction. Au début du XIXe siècle, le bâtiment accueille successivement la bourse de commerce puis, par arrêtés postérieurs à la création du musée des Beaux‑Arts de Lyon, le musée y est installé et ouvre sa première salle en 1803 ; la ville y affecte également des établissements d’enseignement, la faculté des sciences et la faculté des lettres y tenant partiellement place dans les années 1830, avant le départ de la bourse pour son nouvel hôtel en 1860. Le palais Saint‑Pierre fait l’objet de protections patrimoniales : l’ensemble (hors parties classées) est inscrit au titre des monuments historiques, tandis que les façades et toitures et certains éléments sculptés et architecturaux bénéficient de classement. L’église abbatiale, dont l’origine est attribuée au VIIe siècle et qui a été reconstruite au XIIe siècle, conserve des vestiges romans, notamment le porche sur la rue Paul‑Chenavard, et a connu des agrandissements au XVIIIe siècle ; elle a successivement servi d’église paroissiale, puis été désaffectée et intégrée aux espaces muséaux. Le réfectoire baroque, réalisé sous la direction de Thomas Blanchet à partir de 1684, est l’un des témoins majeurs du faste de l’abbaye ; il conserve des peintures monumentales liées au thème du repas, des compositions de Louis Cretey dans les lunettes et un décor sculpté important. Le cloître, modifié au XIXe siècle par René Dardel et Abraham Hirsch, abrite un jardin dont la fontaine repose sur un sarcophage antique et qui présente des sculptures du XIXe siècle issues des collections du musée, tandis que l’aménagement paysager s’inspire du plan originel du XVIIe siècle. Les archives de l’abbaye sont principalement conservées aux Archives départementales du Rhône ; René Lacour a organisé ces fonds et publié un répertoire en 1968, et Joseph Picot a exploité ces documents pour son ouvrage consacré à l’histoire de l’abbaye. La documentation historique et une longue liste d’abbesses, dont la succession s’étend sur plusieurs siècles, complètent le riche dossier conservé sur ce site remarquable.