Origine et histoire du Palais universitaire
Le palais universitaire de Strasbourg, familièrement appelé « palais U », est un bâtiment de style néo‑Renaissance conçu par Otto Warth et construit entre 1879 et 1884 ; il a été inauguré en 1884 par l’empereur Guillaume Ier. Il a constitué le pôle majeur de la nouvelle université strasbourgeoise établie après l’annexion de l’Alsace‑Lorraine à l’Empire allemand, remplaçant l’université issue du Gymnase Jean‑Sturm (1538).
Après l’annexion, des intellectuels et hommes politiques allemands décidèrent de créer une université allemande à Strasbourg ; Franz von Roggenbach fut l’un des artisans de ce projet. La Kaiser‑Wilhelms‑Universität commença ses activités et fut inaugurée dans des locaux provisoires au palais des Rohan les 1er et 2 mai 1872. En raison des destructions liées au siège de Strasbourg et du souhait d’en faire un centre du rayonnement allemand, de nouveaux bâtiments furent envisagés et le palais universitaire devint le cœur du campus implanté dans la Neustadt.
Un premier projet de Hermann Eggert ne convainquit pas pour la façade ; un concours réunit cent un architectes, dont seulement sept Alsaciens. Otto Warth remporta le concours avec un projet néo‑Renaissance d’inspiration italienne et dirigea les travaux jusqu’à leur achèvement. Autour du palais furent édifiés de nombreux instituts et facultés, le jardin botanique prit place à l’arrière et un observatoire compléta le complexe. Le bâtiment, financé pour 2 500 000 Marks, fut inauguré le 27 octobre 1884.
Le palais eut vocation collégiale et accueillit des disciplines ne nécessitant pas d’institut propre, comme l’histoire, la théologie, le droit et les mathématiques. Du 10 août au 8 septembre 1949, son aula reçut la première session du Conseil de l’Europe, réunissant 101 délégués de douze États. Le 21 mai 1990, le hall d’entrée, l’aula, les escaliers principaux et les galeries avec leurs décors d’origine furent classés au titre des Monuments historiques ; les façades extérieures et leurs décors sculptés firent l’objet d’une inscription.
Sur le plan architectural, Otto Warth s’inspira de la Renaissance italienne ; les façades évoquent le palais Pompéi de Vérone de Michele Sanmicheli. Les six pavillons d’angle sont ornés de trente‑six statues en pied représentant des savants et érudits de la Renaissance au XIXe siècle, majoritairement d’origine germanique à l’exception de Calvin. L’avant‑corps central, qui englobe cinq portails surmontés de grandes baies, est coiffé d’un groupe sculptural allégorique avec Athéna, l’Esprit et la Nature, et la balustrade porte l’inscription LITTERIS ET PATRIAE.
À l’occasion du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée, l’Université de Strasbourg a replacé sur le fronton les statues de Germania et d’Argentina, disparues respectivement en 1920 et après 1940 ; ces figures, hautes de 2,5 mètres et taillées dans 3,5 tonnes de calcaire de Bourgogne, ont été reconstituées par le sculpteur Patrick Berthaud d’après une ancienne photographie et achevées fin 2013.
L’aula est une cour couverte par une verrière à l’italienne, analogue à celle de la villa Garzoni de Pontecasale de Jacopo Sansovino ; les voussures peintes qui relient la façade à la verrière rappellent le grand salon du Palazzo Doria‑Pamphili à Gênes, et une plaque commémore la première session du Conseil de l’Europe qui s’y tint en 1949. Une grande statue assise de Ramsès II en granit noir, haute de 2,15 m, se trouve dans l’aula : l’une des deux pièces semblables exhumées par la Mission Montet à Tanis le 18 mars 1933, elle a été installée au palais en 1938, tandis que la seconde repose aujourd’hui sur l’île de Gezira au Caire. Pierre Montet estimait la statue « plus maussade » en raison de mutilations et de traits accentués ; des recherches ultérieures, notamment de Jean Yoyotte, ont remis en question l’identification initiale du site comme temple d’Anta, le rapprochant plutôt d’un temple de Mout et Khonsou l’Enfant.
Le palais demeure un lieu d’enseignement : il abrite les facultés des arts (arts visuels), des sciences historiques (histoire ; histoire et civilisation des mondes musulmans ; histoire de l’art et archéologie) et de théologie (catholique et protestante) de l’Université de Strasbourg. Les Presses universitaires de Strasbourg, créées en 1920, siègent au premier étage. Au rez‑de‑jardin se trouve le musée des moulages (Gypsothèque), collection initiée à partir de 1873 par Adolf Michaelis et installée en 1884, qui rassemble des reproductions grandeur nature d’œuvres majeures de l’Antiquité grecque, romaine, égyptienne et mésopotamienne ; depuis 2015, la collection est gérée par l’association des Amis du Musée Adolf Michaelis pour en assurer l’accès au public et développer des animations culturelles.
Le palais constitue le cœur du « campus historique » de la Neustadt mais s’inscrit dans un ensemble de bâtiments universitaires. À l’arrière s’étend le jardin de l’Université, bordé par des constructions de même style qui abritent, entre autres, l’ancienne institut de chimie devenu la faculté de psychologie, la maison du directeur de l’école de chimie aujourd’hui occupée par la division logistique immobilière, l’institut de physique avec une extension de 1965, l’ancien institut de botanique utilisé par la faculté des sciences de l’éducation et la faculté de philosophie, le musée de sismologie et le nouvel institut de botanique construit en 1966 à l’emplacement des anciennes serres. À l’est se trouvent le jardin botanique de l’université, l’observatoire astronomique et l’ancienne maison du directeur de l’observatoire ; de l’autre côté de la rue de l’Université se situent le laboratoire d’hydrologie et de géochimie (ancien institut de minéralogie et de géologie) et le musée zoologique, tandis que la maison des personnels se trouve de l’autre côté de la rue Goethe.